Film matrice du vigilante movie américain, "JOE (1970)" est réalisé par John G. Avildsen, à qui l'on doit notamment "Sauvez le Tigre (1973)" mais aussi et surtout, le premier Rocky en 1976. Celui-ci, comme le personnage du père, meurtrier malgré lui, a commencé dans la publicité avant d'embarquer pour Hollywood, où il connaîtra des années 70 très intéressantes d'un point de vue artistique et critique.


Pour résumer, suite à une overdose de sa fille, Bill Compton un riche publicitaire, va accidentellement tuer le petit ami de celle-ci, qui s'avérait être un dealer sans états d'âme. Le même soir, il fera la rencontre d'un blue colar, nommé Joe Curran, à qui il confessera son acte. S'en suivra une relation ambiguë entre les deux hommes, entre rejet/fascination et envie de casser du hippie.


Œuvre épousant complètement les thématiques sociétales de son époque, le métrage va s'attacher à donner la parole à ce que Nixon appelait l'Amérique silencieuse, alors majoritaire dans le pays, mais qui fut éclipsé médiatiquement par la contre-culture du flower power. Plus encore que de nous parler d'un simple conflit générationnel, le film nous montre comment deux hommes, de classes sociales totalement opposées, à savoir : l'ouvrier et le col blanc, vont s'allier, contre un ennemi commun, allant à l'encontre des tradition et des bonnes valeurs prônées par l'Amérique conservatrice, à savoir le beatnik.


Ce sentiment d'être dépossédé de ce qui fait l'identité américaine se manifeste alors en un mouvement réactionnaire, qui connaîtra son acmé dans un final faisant froid dans le dos et qui marquera les esprits de par sa violence. N'acceptant pas les changements en vogue de l'époque, que cela soit dans l'industrie musicale ou Hollywoodienne ainsi que dans les mouvements progressistes, le personnage de Joe va ainsi entraîner Bill dans son fantasme guerrier, l'encourageant à prendre les armes pour récupérer sa fille et faire le "ménage" dans cet Amérique "décadente".


Le film a également le mérite d'anticiper, en quelque sorte, le déclin des idéaux contre-culturel et de ceux qui la composent, comme si son réalisateur avait eu la clairvoyance du devenir de ces groupes et de leurs utopies durant les années 70 à venir, qui seront celles de toutes les désillusions pour cette génération. Ceux-ci sont alors montrés sous leurs plus mauvais jours, soit comme des dealers, des junkies ou bien tout simplement des paumés.


Toujours extrêmement d'actualité, tant les personnages de Joe et Bill peuvent être mis en parallèle avec l'électorat de Trump, en particulier pour le premier cité (worker mis progressivement dans l'angle mort des campagnes démocrates et que l'on aurait tendance à juger aujourd'hui avec préjugés et mépris de classe plutôt que de chercher à comprendre de quelle aspiration ce vote est le nom), "JOE" s'avère être un film salutaire à voir aujourd'hui pour mieux comprendre la question de cet Amérique des déclassés, même si rien dans le métrage ne permet d'être optimiste pour l'avenir, en particulier dans sa fin, d'une noirceur apocalyptique et qui envisage déjà le possible devenir d'une guerre civile.


Le film est disponible en Blu Ray chez ESC.

Christophe-Parking
8

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le 10 nov. 2024

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