Second film en dix ans de Maya Dreifuss, voilà un film au féminin que l'on a plaisir à regarder alors même qu'il ne brille pas par son originalité et évite la charge plus frontale pour se concentrer sur le flottement constant et l'obsession. Image terne, mise en scène sans esbroufe, décors désolés, violence des échanges et féminin nié, sans qu'ici on ne ressente l'appel des productions. Daphna, joué avec aplomb par la dégingandée Thali Sharon, (False flag S3) est un beau portrait de femme pugnace. C'est dans son personnage central, dans son ambiance générale passive et dans ses fausses pistes constantes que réside l'intérêt, où chacun des personnages est le suspect idéal tour à tour empathique, manipulateur ou inquiétant. On est loin de l'héroïne experte de combat, séduisante et sûre d'elle et de ces équipes soudées où hommes et femmes ne font qu'un face à l'adversité. Ponctué de retours sur image d'une disparue veuve d'un soldat, ce sera une légère mais efficace charge contre le militarisme d'un pays constamment en guerre, qui pousse ses jeunes à servir et mourir pour la patrie. C'est aussi, par des images fantomatiques, le symbole d'un féminin à reconquérir et qui doit re-trouver sa place par un jeu de miroirs, sans abuser encore du procédé. La cinéaste gère un ensemble de thématiques avec subtilité, si ce n'est, seul bémol, la main mise d'une famille aisée sur la bourgade, faisant la pluie et le beau temps et le ciment de l'intrigue avec une police corrompue, où le silence et la manipulation font foi pour continuer à nier l'humain au profit d'une vie meilleure. Semblant parfois hors du temps, l'ambiance est lourde et pointe le poids d'un patriarcat stérile. La réalisatrice brosse le portrait d'un agent de police, simple fonctionnaire, qui n'en a rien à faire des apparences et des diktats sociétaux, au caractère peu commode -bien mieux traité qu'on ne l'a vu ailleurs, ne confondant pas le mutisme et la prise de recul avec le désagréable et le renfrogné-. mais où son statut de femme célibataire lui refuse toute crédibilité. Sans être l'héroïne réfléchie et apte à prendre les bonnes décisions, frustrée et ambiguë, oscillant constamment dans ses choix, sans lâcher le morceau, mais sans vraiment non plus arriver à mener une enquête digne de ce nom, motivée à la fois par sa volonté de s'imposer et par sa lutte contre l'ennui des enquêtes de voisinage. A traiter de guignols l'équipe et sa cheffe hiérarchique, quelques touches d'humour bienvenues et raison toute trouvée de sa mutation. Peu dialogué, comme si les paroles n'avaient pas de poids, aux rencontres déjà avortées par l'incommunicabilité et l'apathie ambiante, on salue les prises de risques tout du long. On pourra trouver quelques défauts de cohérence et certaines scènes à vocation de remplissage alors qu'elles s'intègrent parfaitement dans ce réalisme sans sursaut pendant que d'autres, sans crier gare, sont d'une violence extrême. Tous les acteurs sont sobres et convaincants, avec mention spéciale à Idan Amedi et Sara Von Schwarze à la fois victime et fière de l'être mais qui apporte sa résolution qui tomberait presque comme un cheveu sur la soupe. Le reste ne laisse pas de place à l'optimisme, et son traitement se démarque des partis-pris habituels du genre.