Lindholm rentre dans la Famille.
Vous connaissiez Refn, Von Trier ou autre Vinterberg ? En voici un nouveau, Tobias Lindholm, que les fans de Vinterberg connaissent probablement puisqu'il a, entre autre, écrit La Chasse et Submarino. Ici il réalise son premier film solo contant la prise d'otage d'un cargo danois en plein océan Indien, et les négociations qui s'en suivent. Un premier exercice de haute facture.
Un peu à la manière d'Arriaga (qui a écrit pour Inarritu avant de se lancer en solo), Lindholm fait preuve d'un impressionnante maîtrise dans (presque) tous les compartiments du film.
Premier indice qui ne trompe pas : le monsieur sait tenir une caméra en main, alternant à merveille les plans fixes et les mouvements de caméra. Plusieurs choix de mise en scène font d'ailleurs mouche très vite ; la caméra, souvent en mouvement, à l'épaule, amène un côté documentaire très réaliste par moment. De même Lindholm choisit d'abord de filmer ses personnages de dos, et on remarquera qu'ils sont rarement de face, comme pour nous éviter, pour nous tenir à l'écart de ce qu'ils vivent. Et on ne peut que louer le travail de Lindholm ici.
On notera également qu'il jouera énormément avec les oppositions, un peu à la manière du clair/obscur en photo qui amène un style. Seulement ici, pas de jeu de lumières fantastiques (seulement quelques plans où aperçoit une superbe photographie), mais des oppositions de situations qui accentuent le mal-être du spectateur. On pense à la différence faite entre intérieur/extérieur. A l'extérieur c'est le danger, les pirates etc, et à l'intérieur, c'est calme, c'est sure. D'ailleurs le dernier plan du film symbolise bien ce contraste puisqu'on voit une voiture sortir d'un garage sans que la caméra le suive, comme si elle avait compris que dehors, c'est dangereux. Lindholm en profite donc pour faire une critique de la société. De plus, le montage parallèle, amène l'opposition entre les pris en otages (et les preneurs) et les bureaucrates de la compagnie qui sont au Danemark. D'un côté on voit des personnes vivant dans la crasse, obligés de pisser dans les coins d'une pièce (souvenir d'un certain Hunger de Steve Mcqueen ?), et de l'autre, on aperçoit des costards hors de prix, et un environnement bien rangé et propre. Mais on notera aussi un fort contraste entre les différentes étapes de la prises d'otages. Tantôt, les preneurs sont intraitables, tantôt, on a une scène hallucinante de pêche commune et de fête dans une des chambre. Lindholm joue avec nos nerfs en jouant sur plusieurs tableaux. Et force est d'avouer qu'on apprécie.
Son scénario (oui il l'a aussi écrit) ne laisse rien au hasard, des pressions politiques que subit le pdg de la boîte, au drame familial implicite, en passant par la dureté des négociations lorsque l'argent entre en jeu, il est sur tout les fronts. Mais il en oublie l'essentiel. Bien que son film soit vivant, beau, intéressant et bien mené, il laisse certaines séquences traîner en longueur là où ce n'était pas nécessaire. Notamment après le coup de feu, il doit s'attarder 10 minutes durant sur le pdg, qui ne fait rien, et c'est quand même bien chiant. Mais il garde la maîtrise grâce à cet affrontement entre Peter (le pdg donc) et sa femme. Même quand il semble traîner il se rattrape et c'est reparti. On trouve plusieurs moments comme ça qui nuisent un peu au film avant que le réalisateur ne se reprenne.
Hijacking a été une belle surprise, le cinéma danois mériterait d'être plus exposé tant les cinéastes excellent dans la plupart des genres cinématographiques. Ici, Tobias Lindholm réalise un thriller tendu, brillant, qui nous tient en haleine jusqu'au bout. Une fin absolument forte, qui laisse le spectateur dans les problèmes des personnages.
Happy end ou pas ? Bref si vous avez la chance d'avoir un cinéma qui le diffuse encore n'hésitez pas ! Un bon moment de cinéma et un de mes coups de cœur de l'année.