Hong Sangsoo sort un film par an, quand ce n’est pas deux et chaque nouvelle sortie semble dialoguer intimement avec la précédente. D’infimes variations permettent à tous les coups au film de se libérer d’une quelconque emprise, de ne pas jouer la redite, de refuser de n’être qu’un maillon de la chaine.
Hill of freedom me partage. D’une part car j’ai l’impression de voir le plus beau film de Hong Sangsoo depuis Woman on the beach (à nuancer cela dit puisque j’en ai raté quelques-uns : Sunhi, Haewon et les hommes, The day he arrives) et d’autre part car il souffre sérieusement d’être passé juste avant Cemetery of splendour et inéluctablement de s’être fait dévorer.
Rarement un film de Hong Sangsoo ne m’aura paru si flou, flottant, ambigu comme s’il manquait des morceaux, comme s’il était inachevé. Sa faible durée de 1h06 y fait beaucoup. Le récit en lui-même ne trahit pas les habitudes du cinéaste : Errances dans un village, très peu de lieux, très peu de scènes, diverses rencontres, artiste looser, alcool et baise. En gros. On est bien chez Hong Sangsoo. Mais la construction s’avère étonnante.
Mori, un jeune japonais, arrive à Séoul pour y retrouver une femme qu’il a aimée. Celle-ci étant absente, il l’attend, dans une chambre d’hôtes, fait des rencontres et écrit. Et ce sont ses mots qui vont guider le récit qui nous sera conté lorsque la jeune femme aura récupéré les lettres. Une astuce de scénario fait qu’elle ne les découvre pas dans l’ordre d’écriture donc nous non plus. Ainsi nous allons accepter le séjour de Mori comme il nous est raconté, de façon aléatoire.
L’idée aurait seulement pu être un gimmick mais le cinéaste crée quelque chose d’assez terrible, de faussement léger. Il y perd son personnage dans une temporalité indistincte. Celui-ci lit en effet un ouvrage intitulé « Le temps » et il va croiser un chien qui se nomme « Rêve » et un bar/restaurant dont l’appellation énigmatique donne au film son titre.
Mais surtout, certaines lettres sont oubliées ou perdues. En somme, il nous manque des éléments. Qu’importe finalement, puisque l’on tient là une pure logique de rêve (renforcé par un final absolument divin) où la retrouvaille importe moins que la quête, le voyage davantage que sa résolution.