Infirmier depuis quelques années, j'ai d'abord travaillé dans une clinique puis dans un grand CHU. Ça y est, maintenant tu me vois arriver avec mes grands sabots (crocs ?)... Oui je vais démolir Hippocrate. Le personnage m'est plutôt sympathique, mais le film qui porte son nom m'a fait frémir.
Ce film est pour moi, une des pires choses qu'il soit arrivé à l'hôpital ces dernières années. Réalisé par un médecin, il a donc forcément tout crédit aux yeux des profanes du milieu et de la critique. Le film se veut tiré de l'expérience de son réalisateur mais cette volonté de dresser un portrait fidèle de l'hôpital d'aujourd'hui le fait mentir sur la profession.
On ne verra que deux patients dans le film. Et les deux passeront l'arme à gauche. Cela entretient l'image (véridique) que l'on meurt à l'hôpital. Le problème c'est que l'on y meurt apparemment dans les pires conditions. Pèle mêle :
- les internes ne font pas appliquer leurs prescriptions.
- les infirmiers ne sont jamais débordés et ne foutent pas grand chose à part se mettre en grève et refuser de faire quasiment tous les soins qu'on leur demande (ecg, gaz du sang, aller chercher une pca...)
- dans un grand chu l'ecg ne fonctionne pas depuis des mois dans un service de médecine interne et rien n'est fait
- quand finalement on en a besoin, l'infirmière ne prend même pas la peine d'aller voir dans un service adjacent si il y en a un de disponible
- les internes font d'énormes erreurs medicales
- ils se couvrent entre eux sur des énormités
- les reanimateurs sont des abrutis qui ne réfléchissent pas
- ils réaniment sans l'avis du médecin de service ou interne de garde et sans lire le dossier (la chose sûrement la plus absurde du film)
- la décision collégiale de continuer l'alimentation par gavage (et donc l'acharnement thérapeutique) est finalement prise par... L'interne de premier semestre (bien absurde aussi ça)...
- et je pourrais continuer comme ça pendant longtemps.
C’est-à-dire que le film, qui se veut quasiment documentaire dans ses 2 premiers tiers, prend bien soins de ne montrer QUE des absurdités, défaillances et dysfonctionnements. Un ou deux auraient été amusant ou réaliste, mais en coller autant à la suite et dans CHAQUE situation n'est ni réaliste ni crédible.
Finalement ce film est une horreur pour moi pour l'image non justifiée qu'il renvoie de l'hôpital. Peut-être que Thomas Lilty avait des comptes à régler avec sa jeunesse et ses études. Cependant, il aurait pu parler aussi de tous les autres patients qu'il a bien soignés. Au moins un peu...
Deux mots aussi sur le scénario invraisemblable de l'interne qui
va chez la famille du patient et sur le coup de baguette magique des 10 dernières minutes pour clôturer le film : réunion, on n’est pas content, le directeur vient s'excuser et c'est pas de sa faute (c'est qu'il a pas les moyens) on lève la sanction disciplinaire (chose impossible en réalité) pour faire oublier tous les autres problèmes dans la joie et la bonne humeur.
Non, désolé, Hippocrate n'est pas réaliste et ce n'est pas un bon film sur le fonctionnement de l'hôpital. On lui préférera n'importe quel documentaire (comme ceux de France 2 je crois) qui expliquera bien mieux les difficultés quotidiennes de mes collègues internes.