Il n'est pas facile d'effectuer son entrée en tant qu'interne parmi les "blouses blanches" d'un grand hôpital. Cela est d'autant plus intimidant et gênant pour Benjamin, le nouvel arrivant, qu'il est affecté dans le service dirigé par son père, le professeur Barois. Benjamin va être très vite confronté en plus de la maladie de ses patients à des problèmes de déontologie, aux divergences, aux luttes syndicales mais aussi aux conflits d'intérêts. Tout ceci est une grande partie du quotidien des agents hospitaliers luttant à chaque instant contre la maladie des patients malgré leurs soucis notamment lorsqu'un diagnostic s'avère sous-estimé. Le décès d'un malade va déclencher un débat houleux au sein du service compromettant l'avenir de Benjamin et de l'un de ses collègues internes ...
Nous voici donc plongés dans ce monde bien à part du personnel hospitalier constamment sous pression, réconfortant, soignant, calmant les malades. Le "Serment d'Hippocrate" c'est l'ouverture vers les joies d'une guérison, la méfiance suite à une rémission, la peine face à la mort et l'angoisse de ne pas avoir fait le nécessaire. C'est aussi l'éternel débat sur les arrêts des traitements lorsque certains malades n'en peuvent plus de souffrir et désirent l'apaisement à tout jamais.
Benjamin traverse une période de doute et c'est bien normal. Pour lui la pression vient autant des soins qu'il prodigue au mieux avec les moyens qui sont donnés et la pression de ce père "mandarin" qui tente de le rassurer et de le soutenir dans les moments difficiles. Il est vrai que l'ambiance du service est souvent conflictuelle autant sur les différences de conceptions du métier que sur les conditions de travail. Des médecins venus de l'étranger viennent combler les lacunes d'un effectif réduit au maximum en étant exploités de la plus basse des manières par la direction d'un hôpital au budget minimaliste. L'administration rechigne sur le nombre de lits, sur la révision et l'entretien du matériel médical et malgré tout l'équipe poursuit coûte que coûte son sacerdoce sous des horaires infernaux et des salaires bien modestes. Les conditions sont ainsi réunies pour que des "erreurs" se produisent vis à vis des patients, amenant naturellement les demandes véhémentes d'explications bien compréhensibles de la part des familles, sans oublier les enquêtes administratives et les conseils de discipline.
Les épaules de Benjamin, le dernier arrivé, sont bien frêles pour supporter un tel fardeau, de quoi finir par disjoncter. Il est parfois utile de remuer la boue face à une administration pour laquelle les économies l'emportent sur les soins à apporter.
Dans son film le réalisateur Thomas Lilti n'invente rien. Il nous interpelle sur ce métier de carabin qu'il a lui-même exercé. Son film dégage une forte puissance dramatique lorsque nous sommes témoins des souffrances et du désespoir de certains patients face à un personnel héroïque mais parfois désarmé. Nous subissons l'angoisse, le tracas de cette équipe à bout de nerfs et pourtant bien vaillante. Il nous offre les rares moments de détente au cours desquels les blagues de carabins sont légion. Nous sommes loin des fictions habituelles sur ce sujet, nous somme au cœur de la vie de l'établissement, au plus grand mérite du cinéaste.
Les comédiens ont su relever un défit pas si facile dans ce milieu souvent déprimant. C'est pourquoi j'associe tous les acteurs pour la qualité de leur interprétation : Vincent Lacoste dans le rôle de Benjamin, Reda Kateb dans celui de son collègue interne venu de l'étranger , Jacques Gamblin, dans celui du chef du service, père de Benjamin et ceux que je ne nomme pas mais qui m'ont pourtant convaincu le temps de cette œuvre.
Compte tenu de la qualité de ce film, j'attends de voir avec beaucoup d'impatience le prochain film de Thomas Lilti consacré aux médecins de campagne, un sujet brûlant qui concerne bon nombre de nos compatriotes. Alors profitons-en, nous avons affaire à un spécialiste !
Ce film a obtenu :
- César 2015 du Meilleur acteur dans un second rôle pour : Reda Kateb