Analyse de la scène des souvenirs dans le lit (37min10/41min23)

Lien de l'extrait en question: http://www.youtube.com/watch?v=05f-ZIQTr4k

Quatre ans après le réalisation de son film documentaire sur la Shoah' "Nuit et Brouillard", Alain Resnais s'intéresse à la bombe H d'Hiroshima. Mais ce film est avant tout une histoire d'amour entre une Française (Emmanuelle Riva) et d'un Japonais (Eiji Okada). Ce film traite des sujets comme le souvenir, la recherche d'identité ou encore les amours impossibles. Dans cet extrait nous voyons donc la protagoniste parler, concrètement pour la première fois, de sa vie à Nevers et de son première amour à l'âge de 18 ans, soit 14 ans avant son voyage au Japon pour le tournage d'un film sur la paix.


I) Présentation de son premier amour

On découvre donc des plans rapprochés épaules où le personnage féminin décrit son premier amour à son amant d'aujourd'hui, puis chaque description d'enchaîne par un plan du passé, un flash back. Par exemple lorsqu'elle dit "Non il n'était pas Français" le plan suivant nous montre cet homme qui était en effet un soldat allemand. Sur son visage, lors de cette révélation, on peut voir un sourire mais aussi un sentiment de tristesse (par la suite on comprendra que cette tristesse est due à la perte de cet amour car ce soldat est mort désormais). En revanche à l'époque de ses 18 ans c'était un bonheur d'être avec lui, on peut le considérer quand on la voit courir à travers les champs, il y a une musique extradiégétique pleine d'enthousiasme. Difficile de penser cela que se soit durant l'occupation ou aujourd'hui, mais l'amour a ses raisons que la raison ignore. On peut par ailleurs remarquer que l'Allemand n'est jamais dans un plan rapproché ou encore un gros plan, il est toujours en retrait dans le champ. Il y a par exemple un plan d'ensemble fixe où celui-ci est au loin alors que la protagoniste le rejoint, et donc il est difficile de le distinguer? On peut penser, si on considère que les images sont des souvenirs de notre héroïne, que c'est une distance temporelle entre lui et elle d'aujourd'hui. Et même, on peut dire que c'est un oubli de ses souvenirs, elle ne se rappelle plus son corps, son visage. C'est donc une représentation fragmentaire de ce premier amour, le souvenir n'est pas éternel.


II) Présentation de Nevers

Avant cette scène, elle a beaucoup de mal à parler de Nevers, elle y fait référence brièvement mais on voit que ce passage de sa vie est très lourd, elle est hanté par sa jeunesse. On a une description des paysages à travers les mêmes plans rapprochés épaule que pour parler du premier amour qui s'enchaîne aussi par un flash back qui nous fait découvrir la ville et sa campagne à travers des panoramiques et des plans d'ensembles qui accompagnent la jeune française en vélo. Un exemple, elle dit ' On (elle et l'Allemand) s'est d'abord rencontrés dans des granges, puis dans des ruines", suite à cela nous avons des plans fixes du passé (plan fixe = le passé ne change pas) où elle est avec on premier amour (qu'on ne voit pas en détail) dans des ruines et sous une couverture dans une grange. Pour décrire Nevers, comme pour le premier amour, les images sont précédées par la narration.


III) Pourquoi Nevers ?

Le Japonais veut la connaître et pour lui c'est à travers Nevers qu'il le peut. Là bas elle avait 18 ans, elle était jeune, elle n'avait donc pas encore trouvé son identité (de plus la majorité civile en 1945 était 25 ans). C'est tout de même là bas qu'elle a commencé à la trouver, c'est à dire que pour connaître la femme de 1959 il faut apprendre à connaître la jeune fille de Nevers. Tout au long de la relation, il veut la connaître mais est aussi intrigué par Nevers, genèse de la femme qu'il vient de rencontrer. A la fin de la scène, on a un gros plan du elle, on voit un sentiment de déception, sans doute le regret d'avoir trouver son identité à Nevers car elle ne peut s'en défaire et c'est ce qui la rend malheureuse.


A la fin du film elle dit "Hiroshima c'est ton nom", il répond "Ton nom à toi c'est Nevers, en France", il y a ici la notion d'affiliation entre l'identité d'une personne et sa ville d'origine. En effet les expériences de la vie et les différentes éducations (parentales, civiques, religieuses, etc...) sont ce qui nous mènent à notre identité, quelqu'un né dans un pays du Sud économique ne se fera pas la même identité que la personne né dans un milieu aisé, idem pour un contexte temporel. Le problème ici c'est que ces deux identités se sont basés sur des contextes spatio-temporels complexes, en France l'occupation, au Japon la bombe H. c'est donc pourquoi ces deux personnes se comprennent si bien et sont à la fois meurtries par leur propre identité car marqué par l'horreur du passé. Il est vrai qu'elle est bien plus touché que lui, mais c'est le fait qu'il soit moins souffrant qui permet la compréhension de l'autre et l'avancé de la confidence.

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le 9 avr. 2013

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Morgan Cinéma

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