Après Rue sans issue, William Wyler adapte une nouvelle fois une pièce de Sidney Kingsley: Histoire de détective. Tout comme dans Rue sans issue, le cinéaste décrit un microcosme de la société pour en ressortir des problématiques plus globales. Dans le premier film, il s'attardait à travers plusieurs portraits sur des laissés-pour-compte d'un quartier de New-York. Cette fois-ci, l'action se déroule en grande parti en huis-clos dans un petit commissariat de district.
Dès les premières minutes, Histoire de détective prend le rythme d'un documentaire. Le cinéaste nous plonge dans l'activité journalière de ce minuscule poste de police à la décoration très simpliste et dénuée de charme. Entre les dépôts de plaintes, les prises d'empreintes, les réceptions de coup de fil et les interrogatoires, le film s'attarde sur tout le côté procédurier du métier de policier. Ce parti-pris, combiné à la disposition du lieu, renforce le réalisme souhaité.
Très vite, l'aspect procédural laisse place à un côté plus dramatique. Durant tout le film nous voyons défiler un certain nombre de personne en état d'arrestation, du voleur amateur en passant par des braqueurs plus expérimentés jusqu'au meurtrier. Le profil de ses personnages étant tous différent, cela offre un panel intéressant pour tenter d'y voir leurs motivations. Toutefois, la pierre angulaire du film n'est pas l'un des criminels présents, mais McLeod, l'un des flics du commissariat. Ayant une vision très binaire de la justice, celui-ci est incapable de faire la distinction entre l'acte isolé d'un jeune ayant commis une erreur et celui d'un vrai malfaiteur. Selon lui, les circonstances atténuantes qui ont poussé à agir ne comptent pas, seules les actions criminelles doivent être prise en compte et condamnée.
" this isn't civile action, it’s criminal action "
Mark Dixon / Jim McLeod : même combat
Les scénaristes Robert Wyler, Philip Jordan et Sidney Kingsley approfondissent la psyché et la dualité du personnage. Ils détaillent les raisons de cette intransigeance presque maladive et cette absence de compromis en toute circonstance. La part sombre de McLeod se rapproche de celle qui hantait Mark Dixon dans le film éponyme (réalisé par Otto Preminger). Les traumatismes de l'enfance en sont la source, dans les deux cas la figure paternelle en est la cause première. Mark Dixon est un flic borderline, car son père était un criminel, il en est de même pour McLeod. Cependant, de part leurs agissements, ils reproduisent inévitablement le même schéma instauré par leurs pères. Les deux antihéros ont un point commun supplémentaire, puisque la présence d'une femme arrive à canaliser leurs côtés autodestructeurs.
Côtés mise en scène William Wyler déploie toute sa palette habituelle en soignant particulièrement ses cadres, en jouant constamment sur la profondeur de champ afin que le spectateur reste constamment actif en balayant son regard sur les différents personnages et leurs réactions. Le film étant très dialogué, le plan-séquence est de rigueur afin de rester complètement immerger.
La distribution est de qualité, à commencer par Kirk Douglas. Dans un registre très expressif, arrive à donner à son interprétation des nuances dans les sentiments qu'il veut transmettre, notamment grâce à sa voix. La colère, le désespoir et la tristesse qui l'anime et qui s'entrechoquent font de Jim McLeod l'un des personnages les plus humains dans la filmographie de l'acteur. Les seconds rôles ne sont pas en reste venant renforcer le côté humaniste du film. Le personnage de la voleuse à l'étalage interprétée par Lee Grant sert de point d'observation, faisant l'intermédiaire entre le spectateur et ce qu'il se passe à l'écran. L'actrice fut d'ailleurs récompensée aux Oscar et à Cannes pour son premier rôle au cinéma.
Bien que le code Hays ait empêché d'approfondir directement certaines thématiques telles que l'avortement, Histoire de détective reste un film passionnant dans lequel William Wyler démontre une fois de plus son talent pour dresser des portraits humains à petite échelle avec des failles psychologiques aux résonances universelles.