Le biaisé de Judas
« Histoire de Judas » est une approche du parcours de Jésus Christ fondamentalement différente par rapport à ce qui nous a été donné de voir jusqu’à présent. Tout d’abord, par le choix d’un récit vu...
le 28 avr. 2015
5 j'aime
3
Dans la continuité des Chants de Mandrin, Rabah Ameur-Zaïmeche entraîne avec Histoire de Judas son cinéma plus loin dans le temps pour traiter d’un mythe plus grand encore - les derniers jours d’un Jésus pas encore Christ - où le personnage éponyme de l’Iscariote, incarné par le réalisateur, devient le centre de gravité du récit.
C’est la première beauté du film : les plans sont magnétisés par un Judas tellurique, dont le visage monolithique rappelle les roches arides du paysage, quand Jésus aux paroles légères, coulant avec l’eau d’une rivière, s’infiltre, ruisselle dans un champ imperceptible (où se dérouleront les moments « cruciaux » d’un point de vue théologique). La rencontre de ces deux éléments, cette énergie sensualiste permet de ramener le corps christique à sa dimension charnelle, de faire de Jésus un homme à même d’être touché, vu, et donc filmé, et dans le même temps, de déplacer la figure du traître vers celle du protecteur ; Judas est ainsi lavé de ses deux péchés, comme réhabilité par le cinéma. C’est le sens de son autodafé libérateur : en détruisant ce qui pourrait devenir un évangile, Judas interdit à la loi de se graver et rend au récit sa dimension orale, sa puissance évocatrice, il fait de tout texte un motif apocryphe et offre alors au réalisateur un luxe suprême, celui de la liberté.
Histoire de Judas est donc avant tout l’examen contemplatif d’une suspension - celle de la fumée laissée par la chute de Bethsabée - d’une faille laissée par le souffle révolutionnaire dans l’aridité désertique. Ainsi Carabas, imitateur-prédicateur qui voulait seulement remplacer les Romains par des palmiers, vivra un nouvel abandon judaïque. Ainsi Ponce Pilate verra sa mosaïque se fissurer à mesure que le doute existentiel ronge son empire (géographique comme spirituel) dont la chute à venir est joliment en puissance dans le décor de ruines qui constitue le film. Ainsi Judas enfin, couché dans le tombeau, peut-il embrasser sa mort : elle lui appartient.
Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Les meilleurs films de 2015 et Les meilleurs films des années 2010
Créée
le 17 mai 2015
Critique lue 340 fois
D'autres avis sur Histoire de Judas
« Histoire de Judas » est une approche du parcours de Jésus Christ fondamentalement différente par rapport à ce qui nous a été donné de voir jusqu’à présent. Tout d’abord, par le choix d’un récit vu...
le 28 avr. 2015
5 j'aime
3
Franchement je suis déçu... J'en attendais rien, je ne savais rien sur le film et j'en sors malgré tout très déçu... pas que ça soit mauvais, mais ce film m'a vidé de toute mon énergie vitale... J'en...
Par
le 8 avr. 2015
5 j'aime
1
"Doit-on la lapider, oui ou non ?", " Il vaut mieux être un chien en vie qu'un lion mort ? -oui" mais encore "Chien de scribe" ne sont que quelques unes des phrases du florilège verbale proposé dans...
Par
le 19 avr. 2015
4 j'aime
4
Du même critique
La Prisonnière, passant du livre à la pellicule, est devenue Captive. Et si certains films étouffent de leur héritage littéraire, Chantal Akerman a su restituer et utiliser la puissance évocatrice...
Par
le 18 mai 2015
21 j'aime
1
Entre les rames, quelque chose se trame. La marche semble aléatoire, la démarche beaucoup moins : en silence, des jeunes s’infiltrent dans le métro parisien, déambulent le visage grave et décidé, ...
Par
le 16 juil. 2016
18 j'aime
2
Après le paradis consumériste d’Andorre (2013) et les tours jumelles de Mercuriales (2014), la caméra de Virgile Vernier scrute un nouveau front pionnier, Sophia Antipolis, technopole en forme...
Par
le 6 nov. 2018
17 j'aime
2