L'ange du mal
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le 2 août 2018
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Pur produit des années 80 qui semble absent de la plupart des radars, The Hitcher se pose dans la droite lignée du Duel de Spielberg, proposant l’affrontement d’une menace violente et d’un automobiliste un peu à l’ouest qui n’a rien demandé, au milieu de nulle part. Le film de Robert Harmon en a clairement sous le capot, aussi bien sur ce qu’il raconte de l’Amérique que sur la façon dont il le fait..
Initialement, j’ai ressenti une certaine frustration dans l’incapacité de communiquer des personnages. Les situations rencontrées auraient facilement pu être évitées si notre héros, Jim, n’était pas aussi laconique. Mais en réalité, je n’avais pas encore saisi ce que le scénario de Eric Red cherchait à nous raconter. Quand Jim prend Ryder en stop (Rutger Hauer, parfait dans le rôle), ce n’est pas un vulgaire psychopathe qu’il introduit dans sa vie. C’est une incarnation de la figure du mal telle qu’on peut la retrouver chez Carpenter. Un spectre des routes qui erre sans autre but que d’aller à sa prochaine victime, inarrêtable , sans pitié, mais qui contrairement aux antagonistes habituels de slashers (Freddy à part), n’a pas sa langue dans sa poche. Sa présence à chaque tournant, la facilité avec laquelle il échappe à ses poursuivant, témoignent d’une quasi omniscience qui ne laisse pas de doute quant à sa nature fantastique. Il est une représentation d’une idée qui vient brouiller le mental de Jim, comme celui du spectateur. Le réalisateur choisit de ne pas montrer l’horreur, et pourtant nous la voyons. L’atroce scène du camion, par son montage et ses effets sonores, nous fait figurer que l’on a vu la violence, tout comme on s’imagine avoir vu la main de l’antéchrist dans Rosemary’s Baby.
Cette idée représentée que j’ai évoquée demande une remise en contexte de la production du film. Dans les années 70, l’auto-stop s’inscrivait dans la révolution des mœurs aux Etats-Unis. Il était synonyme d’aventure, de rencontres, de liberté. Il était au cœur de la génération beat, d'œuvres culturelles fondatrices comme celle de Kerouac. Mais quand arrivent les années Reagan dans la décennie suivante, c’est l’avènement d’un retour aux valeurs conservatrices américaines (“Let's Make America Great Again”, c’est la campagne présidentielle de 1980). L’auto-stop devient alors l’apanage des marginaux, des gens qui n’ont pas les moyens de se payer une automobile et qui sont donc inaptes pour la société. Le voyageur en quête d’ouverture sur le monde se transforme en une menace, que la police, brutale et incompétente, s’empresse de passer sous le tapis.
Ce voyageur, c’est Jim. Cette menace, c’est le pouce tendu de Ryder. Le tueur va opérer un passage de relais vers la coquille vide que le conducteur est en début de film. Un corps innocent et simplet, que Ryder veut façonner en un individu apte à la survie. On peut y lire l’envie de secouer une génération passive, soumise à la doxa fétide d’une société réac où l’aliénation se fait par les médias, avec l’avènement de MTV qui accélère tout pour ne pas laisser le temps de penser, et le pessimisme général des deux décennies précédentes qui est balayée par une surexploitation du happy end qui empêche toute remise en question du spectateur. Jim doit développer un esprit critique, et Ryder va l’y aider par cette relation aux origines sadiques, qui mue progressivement en un lien d’amour-haine, jusqu’à cette caresse finale, d’un fusil à pompe sur la tempe, comme un regret que la leçon s’arrête ici, un dernier geste de tendresse avant de se libérer de cette relation toxique et de voler de ses propres ailes.
The Hitcher se place comme une référence instantanée du genre que je vous presse urgemment de découvrir si ce n’est déjà fait. Un roadrage cauchemardesque qui fait un état des lieux de l’Amérique reaganienne dont les échos résonnent plus que jamais à la veille d’une probable réélection de Donald Trump. Fichtre…
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le 24 mai 2024
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