L'ange du mal
Je revois toujours ce film avec plaisir, c'est un monument du thriller flippant, saupoudré d'un suspense angoissant et de séquences choc, et pour les amateurs c'est donc un spectacle éprouvant et...
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le 2 août 2018
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A l'origine de ce petit film, il y a tout d'abord la chanson Riders on the storm des Doors que chantonnait le scénariste Eric Red (Blue Steel) dans sa voiture avant que les paroles ne lui donnent l'idée du scénario d'Hitcher. Et c'est peu dire tant toute une séquence du film évoque ouvertement les paroles de Morrison.
Jim, un jeune homme à peine sorti de l'adolescence, convoie seul une voiture vers la Californie. Une nuit d'orage, alors qu'il traverse le désert, il prend un homme en auto-stop. D'abord silencieux, le passager, un dénommé John Ryder, révèle peu à peu sa nature de dangereux psychopathe, et finit par menacer le jeune homme d'un couteau. Par chance ce dernier arrive à éjecter l'agresseur de la voiture. Mais l'inconnu n'en a pas terminé et son chemin dans l'immensité du désert croisera à nouveau celui du jeune homme.
Qui est John Ryder ? Car il est évident que le nom qu'il donne en début de métrage n'est qu'un pseudonyme censé noyer le poisson. A la manière du Joker de Nolan ou du John Doe de Fincher, lorsque Ryder tombe momentanément entre les mains des autorités, il leur est impossible d'en trouver la moindre trace d'état-civil. Le spectateur en viendra même durant les deux premiers actes à mettre en doute son existence tangible tant le personnage semble à chaque fois arriver de nulle part et disparaître comme un fantôme sur les routes désertiques. Dès lors on se prend à spéculer sur la signification réelle de ce tueur emblématique à qui Rutger Hauer prête son magnétisme carnassier quatre ans seulement après avoir incarné le Roy Batty de Scott.
Ryder se pose tout d'abord comme un antagoniste n'obéissant à aucune logique interne. Tel un archange de la désolation, il hante les routes arides et poussiéreuses du grand ouest américain et tue quiconque a le malheur de croiser son chemin. Sa rencontre avec Jim et la conclusion de leur première confrontation semble être l'événement qui va provoquer tout le reste de l'intrigue.
Dès lors Ryder n'aura de cesse de malmener psychologiquement le jeune homme en en faisant son premier spectateur. Parce qu'il est le seul à l'avoir rencontré et lui avoir survécu et parce que Ryder semble n'avoir aucune véritable existence, Jim est condamné à se voir endosser ses crimes.
Le spectateur lui-même se met à douter progressivement de l'existence de ce tueur fou au gré de ces apparitions fantomatiques, y voyant plus une projection mentale, le pendant négatif du héros ou la métaphore d'une autorité paternelle intransigeante.
En réalité, Ryder n'est pas un simple croque-mitaine, il semble en effet plus enclin à provoquer sa victime qu'à la tuer. Au-delà de ces courses-poursuites infernales et de ces carnages meurtriers, c'est à une véritable initiation à la violence que l'on assiste durant le film (bien que Harmon a l'intelligence de suggérer la violence plus que de la montrer, ainsi on n'y voit jamais aucun des meurtres de Ryder). Au gré des différents traumatismes qu'il inflige au jeune héros, Ryder semble bel et bien se donner pour seul objectif de faire de Jim un adversaire apte à l'arrêter voire même un successeur.
Attention SPOILER :
Dans cette tentative de conversion latente, Ryder s'efface devant le chemin de croix du héros pour mieux lui baliser son parcours et veiller à sa métamorphose. C'est ainsi qu'à la promesse d'une romance entre Jim et la jeune Nash, Ryder répond en tuant la jeune femme et en enlevant ainsi à Jim toute possibilité de retour en arrière. Le climax prend alors les allures d'un règlement de compte où le jeune homme abandonne ses derniers vestiges d'innocence pour entrer de plein pied dans l'âge adulte et assumer le poids de la responsabilité.
FIN DU SPOILER
Photographe de formation, Robert Harmon imprègne sa pellicule d'un lyrisme particulier, donnant à son récit les contours d'un songe crépusculaire. Au-delà de formidables scènes d'action, s'appuyant sur une remarquable musique de Mark Isham pour sublimer ses séquences, Harmon sait mettre l'emphase sur la beauté de leur cadre, l'immensité des étendues désertiques baignant dans une variété de couleurs atmosphériques. A la condition de ne pas y croiser Ryder, jamais étendues désertiques n'aura autant donné envie de s'y perdre. La première rencontre avec Ryder où sa silhouette se dilue sous une pluie battante, la folle poursuite en voitures avec la police ou la confrontation finale sont autant de séquences où le sens de la composition de Harmon éclabousse l'écran comme un artiste peint sa toile.
Et qu'importe si l'on relève ci-et-là quelques incohérences ou facilités narratives, on se laisse facilement subjuguer par l'ambiance mortifère de ce sublime cauchemar sur pellicule, à la lisière du film noir et de l'allégorie fantastique. Hitcher est assurément une oeuvre singulière, un film culte côtoyant le Duel de Spielberg en tête des thrillers routiers.
"There's a killer on the road, his brain is squirming like a toad.
Take a long holiday, let your children play.
If you give this man a ride, sweet family will die"
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Créée
le 8 août 2014
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