Que de belles leçons d’histoire , que de beaux récits avec la Seconde Guerre mondiale comme sujet, et le cinéma l’a bien compris. Mais s’en servir pour amuser, cela s’est toujours fait avec la pointe des pieds, parfois en mélangeant le drame au rire, comme dans La vie est belle de Roberto Beguigni en 1997 ou le récent Jojo Rabbit de Taika Waititi.


Il y a bien eu quelques tentatives pour aller plus loin dans la gaudriole, à l’image du Führer en folie de Philippe Clair, sorti en 1974. Un nanar très apprécié des amateurs.


A ce petit tour du monde des productions, on peut ajouter Hitler est Kaput ! de Marius Waisberg, sorti dans les salles russes en 2008. Pas de mélanges de rire et de larmes, pas (trop) de farces lamentables, mais plutôt la reprise d’un humour très ZAZ dans une production certes maladroite mais très amusante.


Le contexte est celui des derniers jours du IIIe Reich à Berlin, mais avec une grande liberté, le film ne s’embarrassant guère de calquer la réalité. C’est un petit peu le souk certes, ça bombarde sec la nuit, et Hitler est insouciant de la déconfiture qui se profile. L’espion russe Alexandre Issaiévitch Ossétchkine a infiltré l’état-major nazi, en quête d’informations.


Sa mission n’est bien sûr facilitée par le comportement exalté d’Adolf, dont le film trouve la juste raison (la coke !), ni par certains collègues haut-gradés qui se méfient de lui. Heureusement, la mère Russie lui envoie une aide, la pulpeuse Zina, mais dont leur relation va se retourner contre eux.


Quelle importance de toute façon que cette histoire, avant tout un prétexte pour intercaler certains gags ou habiller les différents passages aux couleurs de l’humour du film. Il ne semble pas y avoir trop de pertes dans l’adaptation de cet humour russe, car Hitler est Kaput ! cherche principalement à faire rire par ses images, plus que par son texte.


En utilisant le contexte de l’infiltration du commandement nazi, le film va chercher à se moquer non seulement de certaines figures attendues d’un film sur cette période, mais aussi sur l’imagerie et les attentes autour du nazisme. Le décalage est bien sûr une de ses grandes forces, et le film n’hésite pas. Le salut hitlérien est ainsi un objet de choix pour la parodie, Hitler sortant son mètre pour en vérifier la conformité, tandis qu’il existe des compétitions avec des interprétations très originales. Dans une soirée en discothèque, c’est une croix gammée disco qui remplace l’habituelle boule à facettes. Il fallait oser.


Le film se moquant de l’exactitude, il n’hésite d’ailleurs pas à utiliser certains anachronismes, bien que les décors, les costumes et d’autres petits détails renvoient à cette période. Il utilise aussi bien des ordinateurs que des télécommandes afin de servir au mieux le décalage de ce film qui ne se prend pas au sérieux.


Bien sur, il lui arrive aussi de se planter, que son gag ne fonctionne pas aussi bien qu’espéré. Mais il y en aura un autre plus tard, où on s’amusera de l’inventivité de l’équipe technique, qui n’hésite pas parfois à aller bien loin. La rencontre entre Alexandre et Zina se fait autour d’une scène de fusillade qui tient plus de la chorégraphie aquatique que du déchainement de violence, tandis qu’une autre entre les deux tourtereaux sera illuminé par les explosions des combats aériens, c’est si romantique.


Les intentions décomplexées du scénariste et réalisateur se retrouvent aussi dans la bande-son, composée de morceaux pop entraînants, avec d’intéressantes reprises, et d’autres pistes plus traditionnelles. Certains morceaux de fanfare balkanique s’accordent bien à cette ambiance militaire “pour de faux”.


On peut même y trouver un certain esprit russe, avec la mélancolie de la mère Patrie, très forte chez Alexandre, et dont le film se moque un peu doucement. Pour autant, le film n’est guère critique sur la Russie de cette époque, il n’est pas rappelé que l’URSS fut l’alliée des nazis jusqu’en 1941, quelle drôle d'amnésie, il s’agit bien de brocarder l’Allemagne du Troisième Reich, et c’est tout.


Si la mise en scène n’est pas exemplaire, la faute à un montage parfois un peu trop découpé, mais sans grande conséquence sur l’appréciation de l’oeuvre, il faut tout de même saluer une belle distribution. Certains acteurs, juste dans l’expression de leurs visages, arrivent à en dire bien plus que des mots qui seraient inutiles, comme Iouri Stoïanov. Pavel Deverianko dans le rôle principal est assez amusant, oscillant entre la fermeté d’un dirigeant nazi et une liberté d’expression plus fébrile. Sa partenaire Anna Semenovich a le physique d’une femme dessinée de Crumb, avec ses formes bien prononcées. Il est difficile de croire qu’elle ait été patineuse artistique précédemment, mais ce n’est pas une potiche, elle a un rôle dans l’histoire. Mikhaïl Krylov incarne un Hitler assez atypique, malingre et frénétique, une belle interprétation qu’on ne voie finalement que peu, le personnage étant finalement assez secondaire dans le film, contrairement à ce qu’indique le titre. Autant d'acteurs inconnus par chez nous, mais qui assurent à ce film foufou de belles tranches de rigolade,

SimplySmackkk
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le 21 nov. 2020

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