J’apprécie beaucoup la densité des personnages de Kazunari Takeda, leurs doutes, la façon dont ils subissent la vie en essayant maladroitement de maîtriser leur destin qui bascule souvent pour des raisons extérieures. Ici, beaucoup de vies gâchées pour n’avoir pas su parler quand il était temps. Il n’est pas question de justice mais d’apprendre à vivre avec le poids du passé et sa propre vision de la culpabilité.
Takeda sait gérer les lieux (l’abattoir, l’hôpital, la baraque de tir, la côte) et leur lumière. On pourra reprocher au scénario du brillant Yozo Tanaka de s’égarer sur l’intrigue annexe de Misa et Kunio mais elle renforce le caractère clos et étouffant des lieux. L’image, le cadrage, le son, tout est parfaitement maîtrisé. Les scènes chaudes font partie intégrante du récit. Les acteurs sont justes : Etsuko Hara, à la fois victime, fragile mais qui ose affronter et à assumer son chemin, Tokuko Watanabe (Misa) qui recherche moins l’argent qu’éviter la solitude, Tomoe Hagiwara (Kaoru) pour qui l’amour vaut quelques bassesses et pour une fois les hommes ne sont pas caricaturaux et donnent le bon contrepoint au film.
Kazunari Takeda est un réalisateur brillant qui formule des réponses nuancées et subtiles aux trois questions porno, ce qui n’est pas si fréquent.