Pour la mémoire.
Le film ne raconte pas la vie de l'abbé Pierre, mais les circonstances qui l'ont emmené à créer la fondation Emmaüs. Comme on le verra, cette naissance a été créée dans la douleur, avec la mort d'un...
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le 1 juin 2013
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Au début de l'année 1954,une vague de froid glacial s'abat sur la France et les nombreux sans-abris la prennent de plein fouet.Henri Grouès,dit l'abbé Pierre,un curé vivant parmi les démunis,a fondé la communauté Emmaüs,un mouvement d'aide aux plus pauvres.Révolté par le désastre en cours il se démène,quitte à enfreindre les lois,pour loger de façon précaire tous ces malheureux qui affluent chaque jour.Et ça va marcher car le mec n'est pas n'importe qui:prêtre catholique,ça avait de l'importance à l'époque,héros de la Résistance dans le maquis du Vercors,ex député ayant des amis dans la sphère politique,ce n'est pas le genre de type que les autorités peuvent zapper facilement.Le réalisateur et scénariste Denis Amar avait émergé au début des années 80 avec les percutants "L'addition",sur le milieu carcéral,et "Asphalte",qui traitait de la violence routière.Mais par la suite sa carrière partira gentiment en quenouille et le gars se dirigera progressivement vers la télé.Ce film est un de ses derniers sursauts cinématographiques mais ça ressemble déjà à un téléfilm.Platement filmée et interprétée de manière aléatoire,l'oeuvre souffre en outre d'une écriture brouillonne,celle de la dialoguiste et coscénariste Marie Devort.L'équipe technique est pourtant composée de professionnels réputés mais visiblement pas au mieux de leur forme.La photo de Gérard de Battista,l'ex de Victoria Abril,n'a guère de relief et se réfugie volontiers dans les paysages de brouillard.La musique de Philippe Sarde est une ritournelle cacophonique.Le monteur est Jacques Witta et l'ingénieur du son William Flageollet,deux Césars chacun,mais leur travail reste insignifiant.Flageollet est assisté d'un nommé Philippe Lioret,qui passera à la réalisation en 94 avec "Tombés du ciel".Ce récit illustratif sent le bâclage avec des morceaux de bravoure qui viennent réveiller une narration assez molle qui voit le héros convaincre tout le monde avec une déconcertante rapidité.Tout le monde lui dit non et dans la scène suivante,hop,on a changé d'avis et accédé à ses revendications.Amar n'a pas lésiné sur les disparités sociales et nous fournit une bonne ration de clodos cradingues errant dans des bidonvilles boueux ou planqués sous des cartons,en opposition avec des décideurs rupins en costard décidant du sort des autres en se prélassant sous les ors de la République.L'avantage avec "Hiver 54",c'est qu'on comprend tout même si on n'a pas vu les 53 précédents.Voilà,c'était la blague du jour,savourez-là bien car il n'y en aura pas d'autre,il y a des choses qu'on ne peut pas se permettre sur un tel sujet,pas sur un film où les gens crèvent de froid dans la rue en pleines Trente Glorieuses!Tiens c'est vrai,ça,il y avait quand même beaucoup de SDF dans les fifties!Comme quoi tout change mais rien ne change.Donc ce film est maladroit et lourdement soulignant mais ça se regarde bien cependant car le thème est très intéressant et le personnage principal méritait assurément d'être célébré.C'est souvent déroutant et agaçant,notamment avec cette bagarre de chiffonniers horriblement mal foutue,cet argot des rues péniblement régurgité par des acteurs blindés biberonnés aux cours de théâtre,ce fourrier juif dont on voit bien venir qu'il est rescapé des camps de concentration ou cette grande bourgeoise qui se pique d'humanisme et met son hôtel de luxe à la disposition de la plèbe.Mais certains éléments sont bien vus,la puissance des médias par exemple.Si un curé à la ramasse et sa bande de miséreux ont obtenu gain de cause,c'est grâce à un article dans le Figaro et une déclaration sur Radio Luxembourg.Après ça,du jour au lendemain,l'abbé Pierre est devenu la star en vogue que tout le monde voulait aider,au point de se voir débordé par les dons.On ne peut s'empêcher de penser que ça aurait moins d'impact aujourd'hui car à en ce temps-là les médias et les associations caritatives étaient nettement moins nombreuses.De nos jours,avec 500 000 télés,radios et journaux et vingt millions d'assoces tendant la sébile,difficile de tirer son épingle du jeu et d'appâter le donateur,c'est la lutte au couteau pour sortir du lot.Ce qui doit nous inviter à méditer de puissants axiomes philosophiques tels que "le mieux est l'ennemi du bien" ou "trop de média tue les médias".D'autre part,si on analyse la situation froidement,c'est le cas de le dire,on peut estimer que l'abbé est un peu le précurseur de ces prélats gauchos qui ont entraîné la dégénérescence de l'Eglise et par ricochet de la Société.Mais comme le film le montre il est des moments où l'analyse froide et détachée,celle du Pouvoir de l'époque en l'occurrence,n'a pas lieu d'être face à une Cause juste et urgente.L'abbé ne s'est pas contenté d'incantations,il a agi en créant Emmaüs,en allant vivre avec les damnés de la Terre,en prenant la parole en leur nom,l'appel sur Luxembourg,l'ancêtre de RTL,fout carrément le frisson,et en osant alpaguer avec verve et persuasion tous ceux qui pouvaient accéder à ses demandes.Autre aspect interpellant du film,la relativité de la célébrité politique.Qui se souvient d'un ministre de l'Intérieur nommé Martinaud-Déplat?D'un ministre du Logement nommé Letellier?D'un député nommé Buron?D'un sénateur nommé Léo Hamon?Il y a fort à parier qu'en-dehors des historiens ces noms ne disent rien à personne,alors que tout le monde connait l'abbé Pierre.Lambert Wilson se sort brillamment de ce rôle écrasant et campe avec sobriété cet homme déterminé prêt à tout pour obtenir justice,tout en maîtrisant les scènes à faire,notamment le fameux appel radiodiffusé.Autour de lui les performances sont très variées.Les théâtreux Antoine Vitez et Laurent Terzieff incarnent solidement le sec Martinaud-Déplat et l'hésitant directeur de publication du Figaro Pierre Brisson.Maxime Leroux en Buron,Pierre Debauche en Letellier,Philippe Leroy en industriel dubitatif,Sam Karmann en commerçant juif,Jacques Nolot en directeur de radio et Eric Métayer en jeune journaliste sont excellents,tout comme Isabelle Petit-Jacques qui est la secrétaire dévouée et rationnelle de l'abbé,Lucie Coutaz,encore un personnage réel.La bande des chiffonniers est en revanche déplorable avec Bernie Bonvoisin,le chanteur de Trust,qui est le belliqueux Castaing,la tronche de boxeur vaincu de Stéphane Butet,qui joue Jean,l'abruti de service,ou encore Robert Hirsch qui interprète Raoul,le vieux sage du clan,un emploi qui lui vaudra pourtant le César du Meilleur Second Rôle.Et que dire de cette pauvre Claudia Cardinale qui arbore constamment un sourire béat de ravie de la crèche en richarde découvrant émerveillée le monde si pittoresque des bas-fonds.On se demande si elle est droguée ou un truc du genre.Un film avait déjà traité du sujet,intitulé "Les chiffonniers d'Emmaüs",sorti en 55,juste après les évènements décrits ici.
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le 31 janv. 2024
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