Hiver à Sokcho
6.3
Hiver à Sokcho

Film de Koya Kamura (2024)

J'avais peur de détester ce film, j'ai même failli troquer ma séance contre une promenade en voyant le soleil dehors, mais finalement il n'était pas si mal que ça.


Presque premier film tiré d'un premier roman, Hiver à Sokcho enfonce quelques portes ouvertes : la coupure au couteau de cuisine très prévisible, le personnage principal, Soo-Ha, qui ne retourne pas les "bonne année" qu'on lui adresse dans la rue pour bien montrer qu'elle est contrariée, la relation superficielle avec son petit ami aussi charismatique qu'une palourde. Mais maintenant que j'y repense, c'est plutôt du détail.


Au départ, je n'étais pas non plus convaincu par le duo central, puis je me suis laissé embarquer lors de la scène du boui-boui, qui est d'ailleurs bien filmée : les personnages se parlent mais on ne voit pas leur tête, juste leurs mains qui manipulent les baguettes avec plus ou moins de dextérité. Puis à la fin je trouve que leurs rapports perdent en crédibilité.


Alors qu'est-ce qui m'a plu dans ce film ? C'est avant tout son côté sensoriel, qui faisait également la force du roman d'Elisa Shua Dusapin. La caméra zoome et s'attarde sur la découpe d'un poulpe, sur un tissu qu'on effleure, sur des bourrelets rebondis, sur le halo de néons sur des vitres de voiture. Tout un tas de détails qui nous font éprouver l'ambiance de Sokcho.


C'est d'ailleurs cette ambiance si particulière qui m'a attiré vers le livre et son adaptation. Ayant déjà visité Frontignan en hiver, je trouve le côté glauque des stations balnéaires hors saison assez fascinant. Désertés par les estivants séoulites, les extérieurs de Sokcho sont en effet très "graphiques" comme le dit Kerrand, le Français en voyage, même si la ville est représentée de manière trop aseptisée. J'ai particulièrement apprécié les restaurants sous bâche en plastique et le marché aux poissons. La gent maritime est d'ailleurs omniprésente, des scènes de cuisine alléchantes au vocabulaire des diverses blagues et piques que s'envoient les personnages.


Pour en revenir aux sensations, toutes ces synesthésies vont culminer dans une scène où Soo-Ha se passe un pinceau sur la peau, sublime.


Bon, parfois, c'est poussé un peu loin, comme quand le personnage de Roschdy Zem, auteur de BD, se met à goûter le papier et l'encre dans un magasin de dessin comme un cochon. La musique est parfois aussi un peu lourdingue. Une exception notable a lieu dans le dernier quart du film. L'héroïne est effondrée et j'ai roulé des yeux quand les violons se sont mis à grincer. Mais une clarinette est sortie de nulle part et a commencé à partir en vrille au même moment que Soo-Ha, me faisant ravaler mon soupir.


Le film a relativement bien traité la relation insatisfaisante qu'elle entretient avec son corps, ainsi que la question de ses troubles alimentaires. Le réalisateur invoque parfois des saynettes dessinées et animées pour nous plonger dans sa psyché. Il y a aussi un moment où son visage se superpose au corps disons moins grâcieux d'une autre femme dans un miroir, dans une des scènes réussies de jjimjilbang. Sans avoir lu le roman, j'imagine cependant que tout ce pan du récit peut sembler énigmatique au spectateur.


Tout compte fait, la projection des daddy issues de l'héroïne sur le dessinateur français est passée au second plan de mon visionnage (et de ma lecture). On esquive l'écueil de la relation romantique éculée, mais il a quand même manqué quelque chose pour m'impliquer dans cette histoire. Je retiendrai du film une balade au parc national de Seoraksan, une animation de poisson volant, et le plaisir des sens devant la ville étrangère.

UnRagondin
7
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le 11 janv. 2025

Critique lue 10 fois

UnRagondin

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