Voyage onirique et montage fictionnel
Enorme, un hymne à la pluralité et à la richesse et à la complexité de la forme cinématographie, avec 2 ou 3 des plus beaux dialogues du cinéma.
Carax y joue avec la fiction, la tordant. Car il s’agit bien d’un jeu, d’un hommage au cinéma, endroit où réel et fiction se contaminent mutuellement, pour parfois s'apparenter à un rêve unique et précieux. Par ailleurs, Calderón de la Barca parlait de la Vie comme un Songe. Ici, nous sommes confrontés à un film-songe qui parle de vie(s) et de mort(s), du grand théâtre de la vie et de sa succession insensée de rôles que tout homme a à jouer. Il permet de montrer la vie elle-même comme un trompe-l'œil, comme une succession de scènes à jouer, de faux crimes à commettre – on ne fait que se tuer soi-même. La représentation est partout – tout est joué, tout est feint : on n'est/nait pas pute, président ou enseignant ; on incarne simplement cette fonction, ce rôle durant un laps de temps plus ou moins long. Comme le déclarait Sacha Guitry, « tous les hommes sont des comédiens, sauf quelques acteurs » ! Quelle est donc notre réelle identité ? - Celle de notre imaginaire, pardi !
En somme, dans ce film, le territoire de l’imaginaire entre dans un mouvement exponentiel, autant dans ce qui est visible que dans ce hors champ qui ne cesse de s’étendre : le film. Il y a ici quelque chose de l’ordre du don – à voir, à penser, à entendre, à rêver. Ce film, tel un rêve dans le réveil, pour reprendre le titre d'un récit de Jean Paulhan, met ainsi en scène le retour d’un cinéaste, d'un artiste, qui, après une douzaine d’années de silence, nous offre la quintessence de son imaginaire, troublant, envoutant, poétique, enchantant. En substance, Carax nous invite simplement à le suivre, le faisant juste « pour la beauté du geste », la seule qui compte.