Holy Motors par FrankyFockers
Ce qu'il y a d'essentiel, avant tout, c'est qu'il y ait encore, en France, des producteurs et des distributeurs de cinéma qui aient les couilles de produire encore des films de ce calibre, c'est à dire hors-normes, à la narration éclatée, ne se souciant pas de rameuter du public mais qui, je l'espère, en rameutera encore grâce à son honnêteté.
Carax, qui signe ici son meilleur film, a toujours été un cinéaste adolescent, filmant l'amour fou et impossible, la jeunesse brûlée par manque d'amour, et des gestes souvent désespérés et inconscients.
Ce nouveau film, qui ne propose rien d'autre que de voir l'Acteur au travail, et c'est tout un programme en soi, est lui aussi un film adolescent, mais d'un autre point de vue. Il filme l'adolescence du cinéma, la réactive. L'adolescence du cinéma, c'est l'âge (d'or) des premiers films de Feuillade, de Epstein, de Buñuel, de Cocteau, celui où toutes les libertés sont encore possibles, ou le cinéma narratif est encore une possibilité parmi d'autres et pas la norme établie.
C'est cela que réactive Carax avec brio, ici. Et par conséquent, il ne filme pas que l'Acteur au travail, mais également le Cinéaste. C'est Carax lui-même qui ouvre le film qui littéralement met le doigt dans l'engrenage pour que le film prenne vie. Un film atypique, qui comprend des vrais morceaux de bravoure, parmi les plus beaux moments de cinéma qu'on ait vu cette année (la suite de Merdre (et son magnifique plan séquence finale ou Lavant est nu, en érection, allongé sur la cuisse d'Eva Mendès voilée, se jetant des pétales de fleur sur le corps, pendant que l'actrice fredonne "All the pretty little horses"), toute la séquence avec Kylie Minogue dans la Samaritaine désaffectée qui réactive avec splendeur "Les Parapluies de Cherbourg" ou encore, pour n'en citer que trois parmi d'autres, le splendide retour au bercail final sur fond de Manset).