Belle surprise que ce film flamand de Fien Troch, réalisatrice dont « Home » est le premier film à sortir chez nous après avoir été remarqué aux festivals de Toronto et de Venise. C’est à une chronique adolescente que nous convie la cinéaste où elle dresse le portrait de quatre adolescents lycéens ordinaires face aux tourments de leur âge. Au début, le récit présente les différents personnages et semble un peu décousu, puis les liens qui les unissent deviennent plus clairs et on s’attache à eux. Ils sont les symboles d’une jeunesse en tous points paumée et livrée à elle-même face à des parents absents, démissionnaires ou aveugles. Le point de vue de Troch est sincère et juste, aux plus près des atermoiements familiaux, amoureux et psychologiques de ses protagonistes. On apprécie d’ailleurs que les événements relatés ne soient jamais excessifs ou forcés, juste une tranche de vie de la jeunesse ordinaire. Parfois dure, dérangeante et crue mais finalement en symbiose totale avec les adolescents occidentaux d'aujourd’hui.
Plutôt que d’opter pour le style évanescent d’une Sofia Copolla ou onirique d’un Gus Van Sant, auquel ce sujet fait penser, la réalisatrice préfère un réalisme brut à la lisière du documentaire pour peut-être moins de poésie mais davantage de véracité. Le choix de filmer au format carré n’apporte pas grand-chose à « Home » mais le fait d’insérer des vidéos filmées par des smartphones ajoute au réalisme du film et pointe ainsi du doigt l’importance des réseaux sociaux pour la jeunesse actuelle et la dépendance qui en découle. La caméra à l’épaule et le fait de filmer au plus près de ses personnages nous fait totalement entrer dans le récit, on a l’impression d’être le spectateur muet de ce qui se joue ici ; de faire partie de ce lycée ou de ces familles au sein desquelles se déroule le film. Verbalement peu démonstratif, le long-métrage préfère le poids des images à celui des mots.
En revanche, en dépit des drames qui se jouent et de la noirceur de l’ensemble, l’émotion reste complètement en dehors de ce tableau clinique de la jeunesse flamande (et en même temps universelle). « Home » nous touche, notamment grâce à de jeunes acteurs non professionnels investis et au naturel confondant, mais sa froideur clinique laisse nos sentiments en dehors, tout juste ressent-on de la compassion et de l’empathie pour eux. Dans sa dernière partie, un acte horrible vient changer la donne et fait passer le film de la tranche de vie adolescente et nihiliste au thriller. Et un suspense oppressant et réussi se met en place, on en vient vraiment à se demander comment tout cela va se terminer. C’est une bonne surprise, un film au contenu à priori pas forcément original mais qui parvient à nous surprendre par son traitement formel et ses revirements narratifs. A découvrir.