Très difficile à dénicher dans une copie décente voire pratiquement invisible depuis sa sortie en salles en 1979 Home Movies de Brian De Palma s'agit d'un exercice de style tout de même assez risqué de la part du réalisateur de Carrie, d'un film réalisé avec un budget dérisoire dans le cadre d'une expérience étudiante aux antipodes des futurs et très classieux Dressed to Kill et Blow Out. Forcément fauchée dans son esthétique puisque fabriquée en grande partie par les élèves du Sarah Lawrence College, cette étrange mise en abîme est également l'occasion pour Brian De Palma de livrer une oeuvre très personnelle, certes tout à fait mineure au regard des autres films de sa carrière mais non dénuée de richesses... Home Movies est le film d'un enseignant de cinéma obsessionnel et passionnant qui convoque encore une fois - et de manière très originale - ses thématiques favorites : voyeurisme, réflexion sur le regard et critique acerbe du modèle américain.
Il s'agit certainement du film le plus autobiographique de la carrière de De Palma, et le réalisateur apparaît aussi bien à travers la figure du Maestro incarné par Kirk Douglas ( autrement dit du professeur de cinéma ) qu'à travers le personnage de Denis Byrd joué par Keith Gordon ( l'adolescent délaissé cherchant refuge dans la réalisation de films amateurs, exorcisant le malaise familial... ). On sait que le réalisateur fut longtemps ignoré par ses parents au profit de son frère ainé, véritable surdoué et modèle d'excellence de la famille du jeune Brian... Ici c'est Gerrit Graham qui campe le personnage du leader, sorte de boyscout machiste et illuminé ne jurant que par le mariage. Le cinéaste en profite pour donner un bon coup de pied dans la fourmilière du puritanisme américain, en offrant à Nancy Allen le rôle d'une jeune dépravée follement amoureuse de James, le frère de Denis ( l'actrice fut pendant un temps l'épouse du réalisateur ). D'une certaine façon Home Movies est une caricature de la famille américaine classique ( et de celle du cinéaste ! ), dépeinte sur le mode du burlesque. La théâtralité de l'interprétation et le manque relatif de maîtrise technique en font un film somme toute très imparfait mais fort en personnalité, rappelant les prémices de son cinéma tels que Murder a la Mod et Dionysus in 69...
Certes l'ensemble n'a rien de flamboyant mais demeure audacieux et respectable pour un projet étudiant, et se doit d'être vu par tout cinéphile adepte du cinéma de Brian De Palma... On pourra lui reprocher son caractère bavard et démonstratif mais aucunement son courage et son indépendance. A noter la très jolie composition de Pino Donnagio, mélange de grande musique à la sauce Rossini et de rock n' roll seventies. Une belle curiosité.