La dérive des incontinents,ou Pipi fait de la résistance.Le premier long de Benoît Lamy,assassiné en 2008 par son compagnon,est une vraie rareté.Des films belges des années 70,il n'y en a pas des tonnes,et des films sur les vieux,ça ne court pas les salles obscures non plus.Il faut avouer que les vieillards,c'est pas beau à voir et qu'en plus ça fait peur car ils nous tendent un miroir dans lequel on voit ce qu'on va devenir,ce qui est au fond plus effrayant que tous les horror movies de la Terre.Quelques réalisateurs s'y sont pourtant essayé.On pense à "La fin du jour",de Julien Duvivier,mais c'est plus un film sur les comédiens que sur les vieux.Cinq ans après "Home sweet home",l'acteur Paul Barge réalisera "Le paradis des riches",au scénario présentant d'étranges similitudes.Il y aura encore "La nuit de la mort",de Raphaël Delpard,"A la vitesse d'un cheval au galop",de Fabien Onteniente","Roulez jeunesse",de Jacques Fansten,"Et si on vivait tous ensemble?",de Stéphane Robelin,ou "Cortex",de Nicolas Boukhrief,mais dans l'ensemble le sujet est peu évoqué au cinéma.Là,on assiste à la révolte des pensionnaires d'une maison de retraite bruxelloise,qui ne supportent plus l'autoritarisme de la direction.C'est plutôt bizarre,ceux qui vont de temps en temps dans ces établissements le comprendront,car les résidents de ces maisons ne sont en général guère en état de réagir aux traitements qu'ils subissent.Ce ne sont qu'alignées de fauteuils roulants dans lesquels des grabataires bavent et se chient dessus.Quoi qu'il en soit,ces retraités belges ont la pêche et vont foutre un boxon monstre dans la casbah.C'est même un peu excessif dans la mesure où les maltraitances dont ils sont victimes sont bien légères par rapport à ce qui s'est parfois fait en la matière.Le film commence assez bien,trouvant un ton original,entre réalisme cru et poésie baroque,qui irrigue encore le cinéma belge à l'heure actuelle.Plutôt que de traiter la lutte de l'homme face à l'institution,"Home sweet home" ouvre des pistes de réflexion quant à l'état de vieillesse.Peut-on encore vivre normalement en étant vieux?Peut-on être libre?Peut-on aimer?Peut-on être autonome?Ces gens ont eu un métier,puis ont été mis au rancart,ils ont eu des conjoints,puis sont devenus veufs,ils ont eu des enfants,qui se sont débarrassés d'eux en les reléguant dans cette antichambre de la mort.Il ne leur reste que des souvenirs et quelques photos du passé.Alors,à quoi bon continuer?"Que l'on vive à Paris,on vit tous en province quand on vit trop longtemps",comme le chantait Brel,un autre belge. Hélas,le scénario va vite manquer de souffle et Lamy est contraint de multiplier les scènes vides de sens,qu'il étire en longueur au-delà du raisonnable.Les invraisemblances se mettent à voler en escadrilles,tandis qu'on a l'impression que la caméra tourne au ralenti.Ils ne sont pas très rapides,ces vieux,mais les autres personnages sont au diapason et tout le monde parait évoluer avec des semelles de plomb.La fin,en forme de manifeste ultra-gauchiste,achève de couler l'oeuvre avec une ode au collectivisme et à l'auto-gestion accompagnant un happy-end stupide.Coprod oblige,deux vedettes françaises sont à l'affiche.La jolie Claude Jade,qui fut une des actrices fétiches de Truffaut,joue une infirmière hésitant entre rudesse et compréhension,alors que Jacques Perrin est un gentil assistant social au look seventies gratiné,avec pantalon pattes d'eph,veste en velours,coupe mulet et grosse moustache.Le film est produit par l'ex actrice Jacqueline Pierreux,qui n'est autre que la mère de Jean-Pierre Léaud.