Dans la nouvelle veine sentimentale, voire fordienne, d'Eastwood, "Honkytonk Man" est une belle chronique intimiste sur la filiation - la passation de témoin entre un oncle et son neveu interprétés par un père et son fils - et la musique : un film nostalgique, très romantique et souvent émouvant, où il donne libre cours à sa passion pour les ratés flamboyants, les marginaux obstinés, et sans doute plus généralement pour tous ceux qui se tuent à la peine. Mais le prix de "Honkytonk Man" vient d'abord de la manière dont sa simplicité thématique est servie et respectée par une mise en scène libre et sophistiquée, soit la marque des plus grands.
[Critique écrite en 1983]
23 ans après sa sortie, alors que l'on a désormais la possibilité d'inscrire cet "Honky Tonk Man" dans la perspective de l'oeuvre impressionnante de Eastwood metteur en scène, on y voit se dessiner déjà ses principaux thèmes : la défense d'un sens classique, sinon traditionnel, des valeurs humaines, qui ne tend pourtant jamais au moralisme ni au puritanisme (ses personnages sont voleurs, menteurs, faibles, sans grand respect pour la loi), et surtout un respect infini pour le travail de l'artisan, assimilé par Eastwood à l'artiste avec une humilité chaleureuse (en travaillant, tout le monde peut arriver à faire de la musique, nous dit-il de son souffle agonisant). Progressant du rire aux larmes à son rythme cahotant de road-movie de la Grande Dépression, "Honky Tonk Man" témoignait déjà en 1982 de la classe d'un grand réalisateur.
[Critique écrite en 2006]