Ca ne m'étonne pas que personne n'aime, tellement ce film semble s'engoncer dans les clichés du cinéma de Dumont, mise en scène rugueuse à souhait, concours de gueules minérales marquées par la vie, irruptions soudaines de violence sous-jacente. Le catalogue est complet et je comprend qu'on puisse en rester là, il faut faire un acte de foi assez extraordinaire pour pouvoir rentrer dedans.
Une fois dedans pourtant, on retrouve la grandeur de la mise en scène de Dumont, et cette manière de faire rentrer le mysticisme par les seuls moyens du cinéma. La photo est belle à s'en faire une fracture de l'oeil, donnant une dimension totalement divine à la nature, à la fois très organique et évanescente à laquelle se lient les deux personnages (il faut voir le nombre de plans très larges, où alors que le personnage se fond au loin dans le paysage, on entend sa respiration très nettement, créant une forme d'entité nouvelle). Surtout cette conception de la coupe comme espace traumatique qui associée à la longueur du plan joue sur les fractures et les distensions du temps.
Un exemple: le personnage principal contemple avec sa compagne spectatrice la campagne spectaculaire. Il voit dans le ciel un oiseau volant en surplace et sort sa carabine et la tend vers le ciel, puis l'abaisse légèrement, et tire. Un travelling arrière assez long les précède alors qu'ils se dirigent vers la proie abattue. Alors qu'ils s'arrêtent, le contrechamp laisse voir la bête qui n'est pas l'oiseau du ciel mais un animal d'un tout autre calibre puisqu'il s'agit d'un cerf! Que s'est-il passé dans la coupe? Le miracle du cinéma.
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