Il y a des moments où l’on ferait mieux de ne pas ouvrir la porte quand on y toque, direz-vous ! A fortiori de nos jours : en plus des énergumènes habituels, il faut désormais éviter les réfractaires aux gestes barrières… Mais la famille Kobayashi est à des années-lumière de telles pensées. Son quotidien semble pris dans les rouages de l’imprimerie qu’elle gère avec prospérité. C’est ainsi que les journées se succèdent comme autant de pages que l’on tourne, imprimées à l’identique, sans bavure… Certains parleront d’ennui. D’autres de plénitude exquise, où le yin a rencontré le yang, et le Mal n’existe plus. Tout au plus, on évoque la réalité de ces étrangers qui rodent, «ouvrent des squats» et pullulent à Tokyo. Mais même le Tokyo où vivent les Kobayashi ressemble à une authentique bourgade japonaise, où le temps s’est arrêté... Loin des malheurs de ce monde dont chacun rêve pourtant ! En bonne madame Bovary qui s’ignore, la jeune épouse Kobayashi est fière de sa maîtrise de l’anglais, qui promet de pimenter demain son quotidien avec un peu d’exotisme, tandis que sa belle-sœur fraîchement divorcée rêve de vivre à l’étranger pour repartir d’un bon pied. Il leur faudra attendre de rencontrer un étranger en chair et en os pour réaliser qu’au-delà des fantasmes, il ne fera que les déconcerter…


Tout commence quand la perruche de la famille Kobayashi disparaît de sa cage. Pour faire plaisir à la gamine, on placarde des avis de recherche dans la rue tout en sachant que les miracles n’existent pas, et que les oiseaux volent très haut. L’histoire de la perruche devrait s’arrêter là. Sauf qu’un certain Kagawa, fils d’un financier ayant autrefois aidé l’entreprise de feu père Kobayashi, tombe sur l’annonce et se présente alors… S’il n’a pas d’information particulière sur ladite perruche, il fait vite figure de drôle d’oiseau ! Lui qui se qualifie par fantaisie de « fainéant » ne tarde pas à s’emparer du poste du seul employé de l'imprimerie n’étant pas de la famille. Invoquant des prétextes dont il est difficile de démêler le vrai du faux, il emménage dans la foulée chez les Kobayashi avec sa femme Annabelle, prof de salsa et brésilienne, qui danse aussi bien qu’elle parle portugais. Vous imaginez… On les croit pétris de bonnes intentions quand le coup d’après, ils remuent le nid de frelons dans la maison ! Les secrets que les membres de la famille Kobayashi prenaient soin de cacher n’auront qu’à bien se tenir… Face à l’impuissante banalité de leur quotidien bourgeois, la rencontre d’une altérité va autant faire office de délivrance que de cauchemar, au gré d’aventures extraconjugales, de chantage rocambolesque et d’invités… jamais invités.


Comédie déjantée ou thriller paranoïaque ? That is the question ! Jusqu’au bout, Koji Fukada laisse planer le doute avec brio dans cette œuvre plus complexe qu’elle n’y paraît, par la subtilité et l’étrangeté qu’il insuffle dans une histoire presque ordinaire. Moralité : quand on parle de deux choses en disant qu'elles n'ont rien à voir, il y a de fortes chances pour qu'elles aient tout à voir, au contraire ! Et finissent par festoyer ensemble. Face à une telle vérité, quelle posture choisir : celle de de l’hospitalité ou de l’hostilité ?

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le 6 mai 2021

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