Retour à la terre
Histoire d'un aller simple, Hostiles s'impose comme une ode au genre western qu'il investit, qu'il anime, qu'il magnifie. Scott Cooper a tout d'un grand et continue de questionner, tout au long de sa...
le 14 mars 2018
99 j'aime
18
1892. 27 ans après la boucherie sécessionniste qui aura anéanti sa jeunesse et ses rêves, 12 ans après les carnages des guerres indiennes, achevées depuis maintenant deux ans, la noirceur scellée, le dégoût et le triomphe de la barbarie habitent l'âme et l'esprit d'un capitaine de l’armée proche de la retraite. Couronnement de ces absurdités, le voilà contraint d’exécuter l’ordre le plus insupportable de sa carrière : conduire son ancien ennemi, un vieux chef Cheyenne malade et incarcéré, avec sa famille, du Nouveau-Mexique jusqu’au Montana, pour lui permettre de mourir dignement sur ses terres natales. L’escorte, quelques hommes à l'esprit tout autant ravagé par la mort, la douleur et le sentiment intime de disgrâce de l'humanité, se charge très vite sur leur chemin d’une femme perdue, traumatisée par le massacre sanglant de son mari et de ses enfants.
Seul personnage au ravage présent plutôt que passé, elle nous fait vivre le basculement dans la rage, la détresse et l'entrée dans les ténèbres. 3ème protagoniste dominant cette fresque crépusculaire, Rosamund Pike, déjà extraordinaire dans HHhH, confirme son entrée dans la cour des grands. Wes Studi est bouleversant et donc désormais présent dans un des plus grands westerns à mes yeux (avec Danse avec les loups, Impitoyable et Le dernier des Mohicans). Et Christian Bale, fidèle à son talent, est aussi intense que d’habitude.
Bouleversant, sobre et réaliste jusqu'à l'écoeurement. Peu de combats, peu de dialogue, on est loin de l'agitation hollywoodienne des grands spectacles creux qui ne doivent leur consistance qu'à l'action et aux effets spéciaux. Le génie opère en dévoilant les coeurs, les esprits, les ambiances et les enjeux à partir de ce qui n’est pas montré.
Blancs comme Indiens, hostiles entre eux et avec eux-même, régurgités d’une longue boue de haine aujourd'hui désabusée, de traumatismes sanglants et d’écœurements intimes, sont contraints à l’union forcée. Protection réciproque nécessaire pour traverser les non moins hostiles distances, intempéries, animaux, dangers mortels omniprésents, Comanches vindicatifs, pionniers crapuleux, trappeurs assassins et autres joies du far-West.
Ce voyage initiatique nous embarque dans la haine, le vide, la douleur et la perdition de ces enfants de l’horreur, et pourtant également dans une dignité sublime et confuse qui pousse comme une fleur sur un tas de fumier. Comme si le film prétendait être constitutif de la culture américaine, imbibée de violence revendiquée, de conscience de son absurdité, mais paradoxalement mue d’une délicatesse et d’une noblesse jamais oubliées.
Cet immense western, clairement de la famille des westerns crépusculaires, est un féroce apprentissage des ravages de la haine et de la douleur, mais son aboutissement, comme une lumière dans la nuit, parvient à un puissant hymne à la résilience.
Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes Les meilleurs westerns, Les meilleurs films avec Christian Bale, Les meilleurs films avec Rosamund Pike et Les meilleurs films de 2017
Créée
le 8 mai 2018
Critique lue 317 fois
9 j'aime
3 commentaires
D'autres avis sur Hostiles
Histoire d'un aller simple, Hostiles s'impose comme une ode au genre western qu'il investit, qu'il anime, qu'il magnifie. Scott Cooper a tout d'un grand et continue de questionner, tout au long de sa...
le 14 mars 2018
99 j'aime
18
“The essential American soul is hard, isolate, stoic, and a killer. It has never yet melted.” La citation de D.H Lawrence, en exergue, et reprend le flambeau du grand western : coucher sur un papier...
le 15 avr. 2018
90 j'aime
6
Aïe aïe aïe... Il ne faudrait surtout pas que la suite de la carrière de Scott Cooper soit calquée sur les dernières vingt minutes de son film. Le garçon est capable de fulgurances, on le sait depuis...
Par
le 21 mars 2018
88 j'aime
44
Du même critique
Chez Marvel, okay, j’avais pigé que c’était devenu de la pétarade non-stop et du dessin animé, mais là, mince, oh non, voilà que les super-héros de chez DC sombrent à leur tour dans les...
Par
le 18 févr. 2019
31 j'aime
7
Après 3 ans de service militaire israélien, Yossi Ghinsberg joue le touriste aventurier en Amérique du Sud, en sympathique amateur d’explorations originales et de pachanol, avant de se laisser...
Par
le 26 nov. 2017
31 j'aime
4
Douze gigantesques vaisseaux spatiaux extra-terrestres stationnent chacun en un point précis de la Terre depuis plusieurs jours. Armées, politiques, philosophies, religions, sociétés, économies, sont...
Par
le 1 mars 2017
30 j'aime
7