Quand un assassinat met le feu aux poudres...
Tiens, l'histoire se répèterait-elle, le mot "Sarajevo" me vient subitement à l'esprit...
Ce film me rappelle vraiment que l'humanité me donne parfois envie de vomir.
Franchement, l'aspect technique du film, qu'il aurait pu être plus esthétique, l'image plus ceci, la bande son moins cela, je m'en tamponne.
Et je trouve le débat limite indécent sur un sujet comme celui-ci. L'histoire est racontée, c'est ce qui compte.
Ce film raconte, comme il le peut, une histoire vraie, forcément un minimum biaisée-enjolivée-scénarisée, on s'en doute, mais l'horreur est malheureusement réelle.
Ce qui m'importe c'est que ce film raconte.
Il y a des biais dans le film, on ne montre pas la genèse de haines. C'est un peu dommage. On en ressort en considérant presque que tous les tutsis sont des victimes, et tous les hutus une sale engeance d'assassins.
Les tensions ethniques (car il s'agit de deux peuples distincts, malgré les unions mixtes, avec des marqueurs génétiques distincts, une histoire et une culture différente), mais là n'est pas la question, étaient déjà pré-existantes à l'arrivée des Belges, qui l'ont instrumentalisé pour diviser
Bien que le film ait le mérite de présenter la folie meurtrière, et la coupable indifférence de l'occident, il n'en est pas moins manichéen. Les haines raciales étaient bien des deux côtés. (comme c'est le cas tout le temps je pense, quand il y a un antagonisme entre les sociétés humaines, l'incompréhension est toujours mutuelle, et la haine est en général assez bien partagée.)
On présente la radio des Milles Collines appelant au génocide des tutsis avant la mort du président Habyarimana, or les appels au meurtre, d'après ce qu'en a déduit, il semble, le Tribunal International d'Arusha, ont eu lieu après la mort du président, imputée aux tutsis.
Il est assez bizarre de constater qu'il n'y a jamais eu d'enquête sur cet assassinat, c'est bizarrement passé à la trappe, alors que c'était justement la mission du Tribunal International d'établir les responsabilités... Bernard Lugan parle de pression des Etats-Unis et de la Grande-Bretagne (mais aussi du régime actuellement en place au Rwanda) pour dissuader cette enquête, pourtant cruciale. De là à dire que la vérité officielle qu'on nous sert n'est peut-être pas tout à fait la bonne, on pourrait le penser. S'il y a eu pressions, c'est qu'il y avait quelque chose à dissimuler. Personne n'a donc été inquiété pour ce crime... qui en causa tellement d'autres...
Le nom de Kagamé a pourtant été évoqué, non sans éléments à charges semble-il, on n'en sait pas plus. L'affaire est tellement complexe. Les controverses tellement nombreuses, saura-t-on un jour qui a tort et qui a raison?
"Le monde entier a en effet intérêt à ménager le régime de Kigali, lui qui détient la clé de la paix et de la guerre dans toute l’Afrique centrale, région productrice des minerais rares permettant à l’industrie de l’électronique de tourner. De plus, au moment où le Sahel s’embrase, personne ne veut voir un nouveau front s’ouvrir dans la région des Grands Lacs."
Pas clair toute cette affaire...
Pour en revenir au film, j'ai été choquée de lire çà et là dans les critiques que c'était un film "larmoyant".
Comment peut-on qualifier de larmoyant un film qui présente des faits - le massacre de personnes humaines - qui ont existé, et qui est encore au-dessous de la réalité, car il ne montre pas les filles se faire violer devant leur père ou forcée de coucher avec leur père, les mères forcées de tuer leurs enfants. (Bien sûr, je n'y étais pas, mais c'est ce qu'on raconté les survivants)
Je ne vois pas comment on peut qualifier ça de "larmoyant".
Comme le fait que ce soit un film américain, ok, il y a un parti pris, car les USA ne sont pas neutres, , mais dans la forme? On aurait d'ailleurs du mal à trouver un pays neutre y compris le Rwanda actuel. L'affaire est encore trop récente (20 ans) pour qu'on sache toute la vérité. Un film qui dirait toute la vérité et rien qu'elle, aurait peut-être peu de chances de sortir sans valoir quelques problèmes à son auteur et aux acteurs.
Ce film n'est pas un chef-d’œuvre mais il a le mérite d'exister et de n'être pas désagréable à regarder (très bien servi par ses acteurs), même s'il est manichéen, pour nous faire prendre conscience, peut-être, que ce genre de tensions ethniques et leurs conséquences peuvent arriver partout, y compris en Europe et en France.
Des tensions, un élément, prémédité ou non, qui met le feu aux poudres, et voilà.
Concernant le héros. Le film aborde son point de vue, mais n'est pas héros pour tout le monde:
http://www.jeuneafrique.com/183949/politique/kigali-accuse-l-homme-qui-a-inspir-le-film-hotel-rwanda-de-soutenir-les-rebelles/
Je reproduit l'article:
Les autorités rwandaises accusent Paul Rusesabagina de terrorisme et le soupçonnent de soutenir le mouvement rebelle hutu FDLR, basé en République démocratique du Congo. Un mandat d'arrêt international pourrait être émis à son encontre.
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Paul Rusesabagina est un héros au Rwanda. Pour beaucoup, il correspond en tous points au personnage du film Hotel Rwanda inspiré de son histoire : celui du gestionnaire de l’hôtel des Milles Collines qui a recueilli un millier de Tutsis pendant le génocide de 1994. Pour les autorités en revanche, Paul Kagamé en tête, il est un usurpateur. Rusesabagina est aujourd’hui un fervent opposant au régime en place.
« Nous disposons de preuves solides de l’implication de Rusesabagina » aux côtés de l’opposante rwandaise Victoire Ingabire, actuellement détenue sous l’accusation de participation à la création d’une organisation terroriste, a déclaré mercredi 27 octobre le procureur général du Rwanda, Martin Ngoga, sur la radio publique rwandaise.
Selon ce dernier, plusieurs transferts d’argent ont été effectués par Paul Rusesabagina, aidé de Victoire Ingabire, à l’attention des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR). Ces mouvements d’argent transiteraient par la Tanzanie, le Burundi et la RDC. D’anciens chefs militaires entrés en rébellion collaborent avec les autorités rwandaises depuis leur arrestation et ont confirmé ces informations. C’est le cas notamment du major Vital Uwumuremyi, arrêté il y a quelques jours et témoin numéro un dans l’affaire Ingabire.
Mandat d’arrêt et procès
La radio a diffusé une information laissant entendre qu’un mandat d’arrêt international pourrait être lancé contre lui. S’il n’est pas arrêté et expulsé vers le Rwanda, Paul Rusesabagina, qui vit aujourd’hui aux États-Unis, pourrait être jugé par contumace, a encore indiqué le radio publique rwandaise.
Paul Rusesabagina a acquis une notoriété internationale à l’occasion de la sortie, en décembre 2004, du film Hotel Rwanda du Britannique Terry George, inspiré de son histoire personnelle.
Les FDLR, dont certains membres ont pris part au génocide des Tutsis de 1994, sont considérées par Kigali et plusieurs gouvernements occidentaux comme une organisation terroriste.
Fin.
D'autres lectures sur le même thème:
http://www.courrierinternational.com/article/2012/03/29/paul-rusesabagina-et-si-le-heros-d-hotel-rwanda-etait-un-salaud
https://umuvugizi.wordpress.com/2011/11/06/l%E2%80%99ignoble-individu-paul-rusesabagina-negationniste-escroc-assassin-de-la-memoire-et-terroriste/