Déroutant lors des premières minutes, ce film peut de premier abord ressembler à un ovni non maîtrisé. Mais une fois les deux premières saynètes passées, le film se dévoile et l'on comprend que la mise en scène se veut le reflet de l'époque dépeinte. Si le jeu des acteurs semble à certaines périodes amateur, notamment sur les passages en anglais, il faut passer outre, et l'on se rend compte que les acteurs adaptent leur jeu en fonction des époques.
Plusieurs saynètes s'enchaînent dans une chambre d'hôtel et se croisent parfois, et bien qu'inégales en intérêt, elles ont toutes le mérite de chacune soulever une thématique différente. Le film parle avant tout de l'évolution des mœurs de Singapour, et la mise en scène du sexe passe du grotesque à l'onirique, continue avec l'érotisme sensuel, pour devenir de plus en plus crue et violente, à l'image de la pornographie d'aujourd'hui. Il recèle de bonnes idées, comme l'écho d'une phrase ou d'un geste qui surgit dans un tout autre contexte.
Le point fort de film est à mon sens sa capacité à utiliser le langage cinématographique avec légèreté pour faire passer des messages plus profonds. Par exemple, la nudité des personnages permet un temps de cacher leur différence de statut social, mais il suffit au réalisateur de les rhabiller pour donner à voir un amour impossible, sans jamais que les personnages ne l'admettent eux-mêmes. La chambre d'hôtel et son fantôme sont donc bien les témoins silencieux d'une société, dans ce qu'elle a de plus beau comme de plus glauque.
Pour finir Hotel Singapura est un film bien plus maîtrisé qu'il n'y paraît, pour peu que l'on fasse l'effort de se laisser envoûter par sa poésie teintée de mélancolie.