Récit initiatique cruel, How to have sex suit les vacances de Tara et ses deux amies, venues fêter sous le soleil de la Grèce la fin du lycée dans ces stations interchangeables où la mer, les bars et les clubs se présentent comme des espaces permissifs ou la liberté de jouir s’offrirait sans contraintes.
Molly Manning Walker impose avec ce premier long métrage un regard corrosif sur cette société du divertissement, mais s’interroge surtout sur le rapport d’un individu face à la collectivité. Les premières séquences, volontairement irritantes, nous immergent dans l’excitation d’un groupe de trois filles hurlant avec enthousiasme pour chaque élément découvert du lieu qu’elles découvrent : parce que l’euphorie est réelle de pouvoir s’offrir ce séjour, mais, surtout, parce qu’il faut la manifester au risque de la surjouer. Tout le film travaillera cette question du paraître, de l’image qu’une jeune fille doit construire, particulièrement quand elle est la dernière à devoir perdre sa virginité, fardeau dont il va falloir se débarrasser le plus vite – et, potentiellement, le plus mal possible.
La finesse du regard sur les différents individus permet ainsi de nombreux doubles portraits : celui, en société, qui danse, boit à outrance et lance les provocations verbales de circonstance, et l’intime, qui se blinde et ne se dévoilera qu’à quelques instants dérobés : devant une cuvette entre deux spasmes vomitifs, au matin dans une rue déserte jonchée de détritus, ou devant les miroirs multiples d’une boutique d’aéroport. Molly Manning Walker parvient à restituer à la perfection cette ambivalence qui déchire la protagoniste, désireuse de rejoindre le flux collectif, sans écouter tous les signaux d’alarme lui indiquant qu’elle va s’y brûler les ailes. Et sur ce terrain, le film procède d’une véritable étude de l’image : cette station, où les animateurs incitent à l’alcoolisation massive et proposent des jeux sexuels prend les traits d’un centre de détention qui contraindrait à une pratique d’un bonheur factice. A de nombreuses reprises, les personnages semblent se forcer, malgré l’ivresse et l’épuisement, à poursuivre jusqu’au bout de la nuit une bravoure qui sera scrutée et commentée par les autres. Et il en sera évidemment de même pour le sexe, injonction capitale transformée en performance, dont on parle d’autant plus qu’on ne la pratique pas, et qui dote d’une expérience censée apporter le respect de ses pairs.
L’histoire intime de Tara tresse ainsi deux fils opposés, que les malentendus, les silences et la pression du groupe vont distordre : le benêt poseur se révélera un garçon plutôt timide et sensible, avec lequel une histoire aurait pu se construire, mais qui devra laisser sa place à un taiseux brutal dont le comportement sera ravageur.
Dans cette bulle hors du monde et du temps qu’est la station balnéaire, Tara oublie le passé (sa virginité) et s’efforce de ne pas penser au futur (son échec aux examens). En vivant, croit-elle, intensément un présent dans lequel on la précipite, se construisent les traumatismes et une nouvelle mémoire qui sera très lourde à porter pour affronter l’entrée dans le monde des adultes.