Scorsese est depuis toujours un tel passionné de cinéma qu’il fallait bien qu’il se penche un jour sur celui par qui tout est arrivé à savoir Georges Méliès… Mais au lieu de faire un banal biopic de plus, Scorsese se lance dans une aventure qui paraît surprenante à tous ceux qui ne connaissent pas assez son œuvre, celle du conte, historique qui plus est. C’est oublier des films comme After Hours, un pur bonheur, The Age of Innocence, rarement cité ou évidemment Kundun où déjà son intérêt pour l’enfance et le merveilleux se manifestaient. Donc, tordons le cou à une première ineptie : ce n’est sûrement pas un film de commande mais tout au contraire un film de passion. Soulignons ensuite que Scorsese utilise pour son imagerie onirique des moyens modernes (la 3D) qui le fascinent visiblement comme le gosse qu’il est toujours. Cela donne un film délicieusement coloré rappelant ces images peintes à la main des premiers films de l’histoire du cinéma. Passons enfin au scénario que certains incultes ont dénigré de manière incroyable. Je prétends connaître un peu l’histoire du cinéma depuis plus de quarante ans que je m’y baigne quotidiennement et je peux assurer que le scénario brode autour de faits qui sont d’une fidélité parfaite à l’histoire de Méliès et que les quelques petits détails non conformes le sont dans l’optique du récit et seulement dans cette optique. Bon, laissons de côté les critiques imbéciles et passons à l’essentiel : ce film est une merveille où chaque plan est important et où chaque dialogue compte, un pur bonheur pour l’esprit et le cœur, une fontaine de fraîcheur dont on sort avec les yeux écarquillés. L’histoire de cet enfant qui, par fidélité à la mémoire de son père, aide à réhabiliter le grand cinéaste est d’une ingéniosité folle, Scorsese mêlant avec une virtuosité étourdissante les éléments romancés et ceux de l’histoire du septième art pour arriver à un récit confondant d’ingéniosité et d’efficacité. Ajoutons que sa mise en scène est à la hauteur de ce qu’elle a toujours été, c’est-à-dire précise et inventive et que sa direction d’acteurs est parfaite. La distribution est d’une homogénéité totale, de Ben Kingsley excellent en Méliès vieillissant à Jude Law (dans un rôle très court, je le précise pour ses admiratrices) en passant par Sacha Baron Cohen et les enfants, Chloé Moretz délicieuse Isabelle et surtout Asa Butterfield, visionnaire Hugo… Juste pour finir : ce n’est absolument pas un film pour enfants (je ne sais qui a eu cette idée stupide) mais les enfants peuvent le voir sans problème, ils y apprendront le cinéma et l’imaginaire qui en fait depuis toujours l’essence... ou plutôt non, pas depuis toujours, depuis Méliès ! Merci à lui et merci à Scorsese pour ce diamant.