Hulk
4.6
Hulk

Film de Ang Lee (2003)

Vingt ans que le super-héros affirme sa suprématie sur le reste de l'industrie, pourtant ses plus belles cartouches, il les a en majorité balancées sur la période 2000/2010. À l'époque, on s'assurait les services de cinéastes révérés et on collaborait réellement avec. Une politique "directors friendly" faisant d'une pierre deux coups : on flatte le cœur de cible avec ces noms prestigieux, de fait on élargit la visée vers un public plus sensible à la vision de l'auteur. Qu'est ce que ça donne ? X-Men, puis Spider-Man et Batman ; trois méga-succès public et une cote d'amour indéfectible chez beaucoup de cinéphiles. Trichons un peu et ajoutons Les Indestructibles, adaptation officieuse mais triomphale des 4 Fantastiques. Et s'il n'est pas placé sous le sceau "grand divertissement familial", Incassable a toute sa place parmi les plus grands films du genre. À un niveau personnel, j'inclurais un petit dernier : Hulk.


Sans réitérer les scores de ses collègues, l'adaptation du comics The Incredible Hulk, ne s'en est pas si mal sortie. Bien que la super-production soit souvent rejetée, force est de constater qu'elle est bien l'œuvre de son père Ang Lee. À la fin des années 90, le metteur en scène se démarquait par une inclination aux drames intimistes ou en costumes (Raisons et Sentiments, Ice Storm). Puis, en 2000, Lee fracasse les portes d'Hollywood avec l'incroyable Tigre et Dragons, qui confirme son génie dans l'émotion et démontre ses aptitudes exceptionnelles pour emballer des séquences d'action mémorables. C'était sûr, entre ses mains expertes, Hulk casserait la baraque, au sens propre comme au figuré. À l'arrivée, j'estime que le contrat est rempli mais pas forcément comme on l'imaginait.


Du géant vert bien vénère, le cinéaste ne connaissait que la série TV (vous savez, celle avec le culturiste Lou Ferrigno dans le rôle-titre). Sans devenir un expert du comics, Ang Lee a rapidement trouvé un angle pour s'approprier le mythe pop. Peter Parker est positif, Bruce Wayne plus sombre, pourquoi ne pas faire de Bruce Banner une figure tragique ? Lee et son scénariste James Schamus creusent la littérature abondante sur le héros, et décident d'en réinventer la genèse. Il sera toujours question d'un accident de labo réveillant le colocataire un peu encombrant, mais le cœur est ailleurs. À vrai dire, Hulk devient un projet éminemment personnel pour le réalisateur taïwanais qui transpose sa difficile relation avec son père dans l'histoire d'un héros introverti, hanté par une tragédie familiale, terrifié par ce qui se cache dans son patrimoine génétique. Ce qui se traduit par un ton très (trop) sérieux, volontiers psychanalytique dans sa manière d'aborder le colosse verdâtre. Différent, donc. Un caractère qu'on retrouve également sur la forme.


Néophyte s'il en est, Ang Lee se passionne pour la bande dessinée dans sa forme narrative. Jusqu'à en reproduire les codes (slipt-screens de partout, formats qui changent, effets de transition) pour livrer ce qui est probablement l'une des reproductions les plus strictes sur le plan esthétique. Quantité de séquences impressionnent, non seulement par leur efficacité mais dans ce jeu constant entre le terre-à-terre et les pures visions comics : la 1ere apparition de Hulk, les bonds de plusieurs kilomètres, le duel contre les chars, le "mano-a-mano" contre les avions de chasse, les éclairs dans les nuages,...Qu'on adhère ou pas, impossible d'ôter au long-métrage sa grande fidélité à son mode d'expression originel : coloré, vif, accrocheur et loufoque.


Un drame conté de manière aussi ludique, n'est-ce pas incompatible ? La proposition à la caméra est assumée d'un bout à l'autre, par conséquent la vraie faute revient à un premier degré excessif. Un peu de légèreté n'aurait pas fait de mal, surtout pour caractériser le couple Bruce Banner/Betty Ross. Éric Bana et Jennifer Connelly, pourtant excellents, ne sont pas gâtés par leurs scènes en commun, plus programmatiques donc moins inspirées. Lee semble évidemment plus intéressé par la relation (contrariée) père/fils, de loin la plus palpitante de cette version, d'autant plus qu'elle touche également Betty ou l'antagoniste aux prises avec l'autorité. Ce qui donne à Hulk un énoncé cohérent même s'il n'est pas toujours déclamé de la meilleure des manières.


Sur le terrain des effets spéciaux, c'est mi-figue mi-raisin. La motion-capture est encore balbutiante, quelques modélisations étranges, la couleur fluo malvenue, on se rattrape globalement sur les scènes nocturnes où le problème est contourné. D'autre part, la durée de 2h20 finissent par se ressentir à l'aune de son dernier acte. La résultante d'une introduction trop longue, trop ampoulée, à fortiori d'une narration trop étendue. Honnêtement, cela ne m'empêche pas d'aimer le film pour ce qu'il représente. Encore une fois, ce Hulk est caractéristique d'une époque où la singularité du projet l'emportait sur les suites et produits dérivés. Je loue aussi les choix de castings sur les seconds-rôles, de Nick Nolte à Sam Elliott en passant par Josh Lucas, tous parfaitement à leur place. Enfin Danny Elfman s'éloigne des thèmes de Spider-Man pour livrer une nouvelle bande-originale plus expérimentale. Une tentative courageuse mais désavouée, six ans plus tard le personnage sera "réinventé" le temps d'un reboot d'une platitude désolante. Oui, il y aura un soubresaut dans le très fun Avengers (avec le magistral Mark Ruffalo dans le rôle), ce sera malheureusement le seul.

ConFuCkamuS
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le 28 juil. 2019

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