La mise en scène de Steve McQueen partage les mêmes défauts que ses qualités. Froide et distante, voire minimaliste (ce qu’on retrouve dans le scénario et les dialogues), elle semble ne vouloir prendre aucun parti, dans une position quasi documentaire, loin d’un film au ton « sentimentaliste » (sans notion péjorative) comme Au Nom du père, pour rester dans le même sujet. Le film se veut le plus objectif possible en soulignant la cruauté et l’absence d’alternative de chaque côté, notamment en confrontant la maltraitance des prisonniers aux assassinats vindicatifs, avec, entre les deux, quelques réactions traumatisées des gardiens. Neutralité absolue donc aussi dans la description de Bobby Sands. Il n’est ici ni un martyr ni un terroriste sans remords mais un homme idéaliste, peut-être trop, jusqu’à la naïveté et à l’égocentrisme (c’est ce qui se dégage du magnifique dialogue entre lui et le curé, fantastique plan séquence de 17 minutes, balayant là aussi toute notion de subjectivité).

Le problème dû à ce recul perpétuel, dans le fond comme dans la forme, donc, c’est qu’il n’y a que très peu d’identification, presque aucun investissement émotionnel possible de la part du spectateur. Trop froid, le résultat manque clairement d’empathie. Au final, on regarde la déchéance physique du prisonnier (incroyable prestation de Fassbender) avec trop de détachement pour véritablement se sentir concerné. Le sentiment d’horreur est présent mais un peu trop timide. C’est un choix mais je pense que la force du film aurait été décuplée en se rapprochant un peu plus des personnages. Quoi qu’il en soit, Hunger reste une très bonne représentation des tensions dans les geôles britanniques en temps de guerre civile, esthétiquement intéressant, qui gagne probablement en profondeur ce qu’il perd en intensité dramatique.
obben
7
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes Top 10 - 2008, Les jaquettes Criterion et Top 30 - Royaume Uni

Créée

le 12 oct. 2013

Critique lue 976 fois

36 j'aime

8 commentaires

obben

Écrit par

Critique lue 976 fois

36
8

D'autres avis sur Hunger

Hunger
Corn-Flakes
8

Critique de Hunger par Corn-Flakes

Moi, quand on me dit Steve McQueen, je pense immédiatement à une poursuite en moto, aussitôt des images de La Grande évasion me reviennent, etc. Mais non, là il s'agit d'un autre Steve McQueen, un...

le 5 août 2010

78 j'aime

5

Hunger
Strangelove
9

Insoutenable et abominable mais quand même une belle grosse claque dans la gueule !

Quand on pense Steve McQueen, on pense généralement à cet acteur de renom des années 50-60 et passionné de grosses cylindrées. Mais ce n'est pas de celui ci dont il est question ici. Ici on ne parle...

le 9 mars 2013

44 j'aime

3

Hunger
obben
7

La faim justifie les moyens

La mise en scène de Steve McQueen partage les mêmes défauts que ses qualités. Froide et distante, voire minimaliste (ce qu’on retrouve dans le scénario et les dialogues), elle semble ne vouloir...

le 12 oct. 2013

36 j'aime

8

Du même critique

M le maudit
obben
10

Predator

Après une douzaine de longs métrages muets dont les reconnus Mabuse le joueur, les Nibelungen ou encore la superproduction Metropolis, Fritz Lang s'attaque au cinéma sonore en 1931. Avec M - Eine...

le 18 avr. 2012

96 j'aime

11

Une femme sous influence
obben
9

Desperate housewife

De Cassavetes, je n'avais vu que Shadows et Faces, deux films qui, s'ils étaient notables pour leur vivacité et leur authenticité, m'avaient tout de même perdu en route par leur côté bordélique (en...

le 8 avr. 2013

65 j'aime

10

A Serious Man
obben
8

Why so serious ?

Dés les premières minutes d'A Serious Man, les frères Coen développent un univers délirant, mélange de tradition (l'introduction en apologue sans morale), de révolution culturelle et de rock...

le 24 mars 2012

61 j'aime

3