Le naturalisme de la violence

Vu Hunger, de Steve McQueen. J’étais déjà fan de son cinéma. J’avais vu en salle Shame et 12 years a slave. Il a don pour montrer avec de belles images des choses infiniment laides. Hunger est son premier film et pourtant, la maîtrise de la mise en scène ne le laisse pas penser. On suit le parcours de prisonniers politiques issus de l’IRA en Irlande du Nord au début des années 1980, notamment le martyr Bobby Sands interprété par un magistral Michael Fassbender. Hunger, c’est un naturalisme froid, dans la façon de montrer un combat radical et violent. Ce sont des personnages durs. Le regard inflexible des prisonniers, qui traduit leur volonté. Les poings endoloris et saignants des gardiens de prison qui mènent un combat quotidien face aux prisonniers contestataires. Ces murs de cellules maculés de merde sur chaque centimètre carré. La crasse des matelas, la pisse qui se déverse par la porte, ces hommes hirsutes aux cheveux longs et aux barbes sales qui font la grève de l’hygiène afin de faire valoir leur revendications. A savoir, le statut de prisonnier politique, le droit de porter leurs vêtements civils en détention. La majorité du message du film passe par l’image. Les images parlent fort, percutent, font mal à l’estomac. Mais la scène de dialogue entre le prêtre interprété par Liam Cunningham (que les fans de Games of Thrones connaissent bien), et le personnage de Bobby, expose tout le message politique du film. La comparaison entre la course à pied et l’abnégation qu’il faut pour poursuivre la cause de la réunification de l’Irlande. Cette aspiration à la liberté qui vaut tous les sacrifices. Le refus viscéral de toute compromission. En un mot, la radicalité. La transformation physique de Michael Fassebender pour les séquences de grève de la faim est tout bonnement effrayante. McQuenn ne nous épargne absolument rien. La dégradation physique d’un homme pulvérisé par la faim en deux mois. Mais paradoxalement, cette violence n’est pas ce qui effraie le plus. Non, le pire, c’est bien la voix du premier ministre de l’époque, Margaret Thatcher, qui reste inflexible et se lave les mains de la mort de ces suppliciés. L’utilisation de vraies archives de ses discours est glaçante et ancre ce que l’on voit à l’image dans la réalité. Un vrai film coup de poing.

Andika
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le 9 mai 2020

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