Legend Piercer

Un doux vent soufflait sur la falaise. Les joues mouillées de sueur et de larmes, Gary Ross se releva en tremblant et vit du coin de l'œil un détail qui n'avait jusqu'alors pas attiré son attention : il y avait trois autres baignoires. Trois baignoires harnachées à cette maudite falaise... Il sentit son cœur faillir. Etait-elles là depuis le début ? Les avait-on installées pour lui ? Quelles immondes misères ses tortionnaires allaient inventer pour lui ?

A terre Gary cracha. Encore sous le choc il entreprit de s'avancer vers la deuxième baignoire, poussé par la curiosité. Prudemment il risqua un bref regard. Elle était vide. Affreux sentiment de déjà-vu. Il déglutit. Derrière lui, un bruit de pas. Gary se retourna, terrifié à l'idée de devoir tout recommencer... Francis Lawrence s'avançait lentement mais surement. Gary le connaissait bien, il l'avait vu saloper I am Legend il n'y a pas si longtemps... Pourquoi était il là ?

Francis toisa Gary :
- Ross.
- Mr Lawrence.

Un long silence s'ensuivit. Francis inspecta à son tour la deuxième baignoire, un vicieux sourire vissé sur les lèvres, et alla à la première. Il la traina vigoureusement jusqu'à la deuxième, pour y vider le contenu. Mais à la grande surprise de Gary, le liquide se déversant n'émit aucun son. A la place il entendit la voix de Suzanne Collins : "-les-gens-admirent-Katniss-pour-avoir-dupé-les-organisateurs-mais-la-vilipendent-parce-qu'elle-leur-a-menti-les-gentils-s'associent-encore-aux-gentils-et-ne-tuent-que-les-méchants-les-méchants-s'associent-encore-aux-méchants-et-n'attaquent-que-les-gentils-le-président-prétend-vouloir-inspirer-la-peur-mais-le-fait-en-diffusant-une-emission-fun..." Ross n'en crut pas ses oreilles. Est-ce la vraie vie ? se demanda-t'il. Est-ce juste une fantaisie ?

La voix de Suzanne Collins s'éteignit lentement, goute après goute : "l'insurrection-populaire.... C'est-juste-des-mecs... qui-se-font-tabasser-parce-qu'ils-font-un-salut-Nazi... En-sifflotant." Francis avait finit de transvaser. Ross se risqua à lui dire :
- Et maintenant, Mr Lawrence, comment allez-vous hisser votre baignoire ?
- La hisser ? Quelle idée stupide.

Et d'un coup de machette il trancha la corde qui retenait la baignoire. Celle ci piqua droit sur les galets en contrebas et se fracassa dans un geyser assourdissant. Gary et Francis reçurent des éclaboussures... "splotch-splotch-y'a-des-oiseaux-mutants-qui-crient-ton-nom-splotch" Gary n'en croyait pas ses yeux. Hébété, il se tourna vers Lawrence.

"- Vous n'aviez jamais l'intention de faire un seul effort ? maugréa-t'il.
- A aucun moment ! rétorqua Francis, jovial. Et tu vois mon p'tit Gary, le monde entier se pâme devant ma maestria, au moins autant que si je m'étais fait chier.
- Mais... mais on ne comprend rien à ce que vous avez fait ! Vous vous êtes appuyé sur mes acquis sans chercher à les perpétuer.
- Faux. Je me suis débarrassé de ce qui ne plaisait pas. Par exemple on a reçu des plaintes sur la photo, alors j'ai jeté un bol d'acide dans les yeux de mon chef opérateur. Ça fait des scènes de nuit dégueulasses, mais au moins ça tremble pas.
- Mais le caractère allégorique ne marche pas ! Il n'y a aucune clarté aux scènes de défi ! Et Pourquoi Philip Seymour-Hoffman est le seul au Capitol à savoir s'habiller ?
- Tu sais ce qui arrive quand on essaye de faire une allégorie, Gary ? Les producteurs confient ça à un Sud-Coréen et personne ne sait quand ni comment Snowpiercer va sortir au USA... On ne prend pas ce genre de risque. Maintenant casse-toi. J'ai encore deux baignoires à expédier pour le prix d'une !"

Gary Ross s'en fut. Vaincu. Terrassé. Loqueteux.