Autant prévenir tout lecteur potentiel à l'aube de cette critique : elle sera très subjective. Durant l'été qui a précédé la sortie du premier film Hunger Games, j'ai dévoré les livres de Suzanne Collins, et comme ce fut le cas pour le précédent volet, j'ai conscience d'apprécier d'avantage le film qu'une personne qui ne serait pas aussi fan que moi. Concernant le premier Hunger Games, c'était à la fois une réussite et une déception : une réussite parce que le film parvenait à offrir des scènes fascinantes (celle du district 11 ou celle de la moisson), et une déception parce que Gary Ross (ou plutôt les producteurs du film), par volonté de "cacher" la violence, avait fait le choix d'utiliser une "shaky cam" pendant toutes les scènes d'action. Résultat : tout les jeux étaient illisibles et plutôt ratés, alors qu'ils étaient le gros intérêt du livre (évidemment).

L'embrasement - le livre - était divisé en deux parties bien distinctes (la première occupait les deux premiers tiers, et la seconde ce qui restait) : la "Tournée" et "L'Expiation". La première de ces deux parties étaient très lente, très posée, à l'opposé du premier livre, proposant d'avantage un développement psychologique de ses protagonistes, et un développement sociologique de Panem. Intéressante, mais pas passionnante. Son aspect anti-narratif allait donc relever un vrai défi pour l'adaptation. La seconde de ces deux parties retrouvait l'aspect qui avait fait le succès du premier bouquin : nerveuse, violente, et rythmée, et ce même si l'aspect assez étonnant de l'arène allait poser des problèmes pour le film. Dans tous les cas, cette adaptation retranscris fidèlement ces deux axes : vous passerez d'un film très posé, relativement subtil et bien conçu, où un réel univers se développe sous vos yeux, et malgré le fait que c'est loin d'être très passionnant, à un film d'action plein de rebondissements, d'amour, de gloire et de sang.

Allez, disons le tout de suite, pour rassurer les sceptiques : Oui, Francis Lawrence a laissé tombé cette putain de shaky cam à la con. Et Mon Dieu, l'écart qualitatif des scènes d'action est absolument indescriptible. La violence reste aseptisée (très peu de sang, on est loin d'un Battle Royale), certes, mais voilà, c'est beau, c'est clair, c'est bien foutu, il en ressort une réelle atmosphère pour le coup très réussie : je n'ose imaginer ce qu'aurait pu être le premier film si ils l'avaient tourné de cette façon. Pour être franc, j'étais perplexe à l'idée de voir cette adaptation : c'était très difficilement transposable, pour des raisons évoquées plus tôt, et il est clair que pour ne pas ennuyer le spectateur et pour décomplexifier l'intrigue, il allait falloir faire des choix, et c'est donc le cas : ce qui constituait la première partie du film est clairement raccourcie, des éléments sont occultés et au final ça rend toute cette première heure / heure-et-demi (à vrai dire je sais pas vraiment, j'ai pas regardé ma montre - c'est bon signe) bien plus intéressante qu'elle ne l'était dans le livre. La subtilité qui faisait l'âme du livre, véritable pamphlet sur l'influence des médias et sur l'image que se donnait ses stars, est plutôt bien retranscrites. On ressent très fortement le second degré qui transcende la plupart des scènes "télévisuelles" (qui concernent une bonne partie de cette première moitié) et, malgré quelques rares dialogues qui font un peu tâche (s'étendant de la bêtise à la niaiserie), pas grand chose à redire dessus. Un petit manque de noirceur, peut-être ? Sans doute. Malgré quelques scènes de "violence sur civils", on sent que le metteur en scène hésite entre le grand public bien pensant et le portrait d'une société violente et choquante. Au final on se retrouve avec des moments assez noirs, mais malheureusement peu nombreux, la véritable violence était généralement sous-entendue ou montrée au détour d'un regard.

L'absence de shaky cam rend l'action beaucoup plus lisible, et la seconde partie, à cette image, est une vraie réussite. Alors certes, faudra chercher pour trouver plus de quelques gouttes de sang et égratignures, mais ça fait plaisir de pouvoir enfin voir deux personnes se battre sans que la caméra en profite pour faire un 360° en moins d'une seconde. Cela donne des plans très beaux, un véritable jeu visuel autour de l'environnement du film, donnant très belles scènes et une montée en tension constante. On ne pourra aussi que saluer un casting globalement réussi : ça reste globalement au niveau du premier film pour les interprètes principaux (Jennifer Lawrence - charismatique, Woody Harrelson - excellent, Josh Hutcherson & Liam Hemsworth - fades mais bonnes gueules, Stanley Tucci - en fait des tonnes mais c'est le rôle qui le veut), pour les nouveaux, ils s'en sortent aussi (que ça soit Philip Seymour Hoffman, Jena Malone ou Sam Claflin). La véritable révélation c'est Donald Sutherland, dont le personnage était sous-utilisé dans le premier, mais qui se révèle ici charismatique et menaçant, imposant un véritable méchant permettant de ponctuer le film d'une figure d'opposition très réussie. A noter de la même façon une bande-originale très réussie de James Newton Howard : comme pour le premier film, elle sert avant tout d'ambiance et la musique n'est que très rarement mise en valeur (à part le thème "fanfare" du Capitole), mais elle est franchement toujours aussi magnifique si on ose y prêter une oreille attentive.

Dans tous les cas, Hunger Games - L'Embrasement est une réussite : non exempt de défauts (loin de là), on se retrouve face à un film plus clair et moins brouillon que son prédécesseur. Réalisation léchée (qui prouve que malgré qu'il soit un yes man, Francis Lawrence est aussi un bon faiseur), scénario parfois un peu trop niais par rapport au matériau d'origine mais qui propose des scènes dignes d'intérêt, acteurs allant du correct au très bon... Vous l'aurez compris, ce second film surpasse son prédécesseur, se permettant de corriger ses défauts. Attention, si vous avez détesté le premier volet, vous n'aimerez pas celui-ci, c'est certain. On reste face à un divertissement un peu plus intelligent que la moyenne, mais qui ne pète pas plus haut que ce qu'il est au final : un film pour le plus grand nombre. Petit note de fin : si les costumes du film ne sont pas présents aux prochains Oscars, c'est un scandale. Ils sont juste magnifiques.
Vivienn
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le 22 nov. 2013

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Vivienn

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