Pour son quatrième long-métrage, Saverio Costanzo retrouve Alba Rohrwacher, présente dans son précédent film « La solitude des nombres premiers », en adaptant le roman de Marco Franzoso « Il Bambino Indaco« . Une comédie romantique en apparence, devenant un huis-clos étouffant et puissant, face à la folie d’une femme.

Le film, Hungry Hearts s’ouvre sur une première scène drôle et tendre. Elle se déroule dans les toilettes d’un restaurant asiatique, Jude (Adam Driver) va y faire la rencontre de Mina (Alba Rohrwacher). Par un concours de circonstances, ils vont se retrouver enfermer dans cet espace restreint. Ils vont tomber sous le charme de l’un et de l’autre, une belle passion naît sous nos yeux.
Cette passion a pour cadre New-York, mais elle est italienne et va bientôt être muter dans son pays. Cela aurait dû être une relation éphémère, tel un amour de vacances d’été. Mais elle va tomber enceinte, ils se marient et leur foyer va devenir un havre de paix et d’amour….

La comédie romantique, bascule rapidement en un drame psychologique glaçant pour le spectateur, face à l’impuissance d’un Adam Driver amoureux, ne sachant plus comment faire face à la folie grandissante d’Alba Rohrwacher. Ils ne se connaissent pas vraiment, leur relation est toute récente et la phobie de cette femme face à la modernité de ce monde, va devenir de plus en plus présente. La grossesse accentue ses peurs, elle rejette tout médicaments, tout contacts avec des appareils technologiques et ne se nourrit que de produits naturels. Elle se met physiquement en danger, tout comme l’enfant qu’elle porte.

Le malaise s’est installé sournoisement, comme la folie de cette femme. L’atmosphère devient pesante, la paranoïa s’installe. On se sent mal à l’aise, la réalisation accentuant cet état, en collant aux visages, scrutant les regards, ou ne brille plus la tendresse du début. Saverio Costanzo filme sous tout les angles, cette famille. Il donne l’impression de se retrouver l’œil coller à un microscope, observant à la loupe, un drame se déroulant dans un huis-clos angoissant. L’image devient distordue au fil du récit, à l’image de la dégradation mentale et physique d’Alba Rohrwacher. Saverio Costanzo use et abuse d’effets avec sa caméra, c’est parfois agaçant, mais souvent envoûtant. Il n’y a pas de distanciation, il fait corps avec ses acteurs, avec l’histoire et ne nous laisse pas de répit, en nous rendant aussi paranoïaque, ou chaque mot, ou geste, peut faire basculer le film dans l’horreur.

Cette plongée dans les méandres du cerveau humain, est en permanence sur la corde raide. A tout moment, on a l’impression que le film, va devenir pesant et finir par s’effondrer, en ne sachant pas maintenir l’état d’angoisse, dans lequel, il nous a plongé. Mais il parvient à nous tenir en haleine, avec l’irruption de la grand-mère paternelle, interprétée par Roberta Maxwell. Avec son apparition, Hungry Hearts flirte avec le fantastique et fait irrémédiablement penser au « Rosemary’s Baby » de Roman Polanski. Alba Rohrwacher, marche dans les pas de Mia Farrow, en se victimisant face à cette famille de carnivores. Les rapports deviennent agressifs, les échanges verbaux sont violents. C’est parfois excessif, le trait étant accentué, arrachant des rires nerveux, mais sans que l’angoisse disparaisse.

Le couple Adam Driver et Alban Rohrwacher est impressionnant. Le premier révélait pas la série « Girls », ne cesse de surprendre et de démontrer son talent, que ce soit dans la comédie ou le drame. La seconde confirme son talent dans les rôles extrêmes, malgré une tendance à l’exagération, pouvant devenir un brin agaçant. Il n’est pas étonnant que chacun ait reçu la coupe Volpi du meilleur acteur et actrice, à la Mostra de Venise.

Cette mise en abyme de l’être humain, ou la mère semble la coupable idéale, est plus subtile en profondeur. On se retrouve en immersion, dans un New-York bruyant, dans cette famille au bord du gouffre. Saverio Costanzo a su faire d’une comédie dramatique, un drame psychologique, dont on ne sort pas indemne.
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le 3 mars 2015

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Laurent Doe

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