Rock You Like A Hurricane
L'action de "The Hurricane" se déroule fin des années 60 aux USA alors au paroxysme de tension raciales caractérisées par le mouvement révolutionnaire Black Panther. Dans ce contexte, en 1967, Rubin "Hurricane" Carter, un prometteur champion de boxe, se dit victime d'un complot judiciaire et clame son innocence alors qu'il a été condamné à trois fois la perpétuité pour le meurtre de trois blancs dans un bar.
La mise en image de ce biopic a été confiée au vieux de la veille Norman Jewison, glorifié durant les 60's et 70's pour, notamment : "Le Kid De Cincinatti", "Dans La Chaleur De La Nuit", "L'Affaire Thomas Crown" ou "Rollerball". Son film n'est pas fondamentalement un film de boxe à l'instar des "Rocky", "Raging Bull" ou "Ali". A tout casser, seules 3 minutes de ring servent à illustrer une autre injustice dont Carter a été victime en 1964 lorsque le titre de Champion du Monde des poids-moyen a été injustement attribué à son adversaire caucasien.
"The Hurricane" est plutôt un "film de tribunal", un thème récurent du cinéma US (avec pour chef d'oeuvre "12 Hommes En Colère") et auquel Denzel Washington s'est déjà essayé ("Philadelphia"). Jewison nous sert les habituelles plaidoiries théâtrales, les scènes de liesse, la véreuse partie civile contre les bons avocats, les ficelles lacrymales, l'héroïque élocution de l'accusé...Pour l'anecdote, le Juge de la cour fédérale est interprété par le dinosaure Rod Steiger ("Sur Les Quais", "Il Etait Une Fois La Révolution", "Amityville"...).
Eternellement irréprochable, Denzel "Hurricane" Washington, l'un des meilleurs acteurs contemporains aurait mérité que la psychologie de son personnage soit plus approfondie. On a la sensation que Carter n'est qu'un brave type, courageux et intelligent.
Cependant il semblerait que Rubin Carter soit un personnage bien plus complexe, bien plus sombre que cela. En se documentant sur cet homme après le visionnage du film, on s'aperçoit avec un certain effarement des libertés prises par le scénariste afin de victimiser encore plus le personnage en édulcorant certains pans de sa vie :
- Carter n'a pas effectué sa première peine de prison pour s'être défendu d'un pédophile mais il s'agissait bel et bien d'un vol avec violences par arme blanche (sic) sur une victime dans le but de la voler. De plus il n'avait pas 11 ans mais 14 ans.
- Carter nous est présenté comme un valeureux soldat, s'étant engagé dans une sorte de rédemption. Dans la réalité, il fût viré de l'armée après être passé à quatre reprises en cour martiale.
- L'inspecteur Della Pesca qui est sensé l'avoir harcelé depuis sa tendre enfance et être à l'origine de toutes ses condamnations est en fait le pur fruit de l'imagination du scénariste.
- Quid du flingue et de la cartouche de fusil retrouvés dans le coffre de la voiture de Carter ?...
Sans remettre en doute l'injustice dont il aurait été victime dans cette Amérique raciste, il est néanmoins dommage que le film soit autant académique, aussi politiquement correct et pas plus ambigüe dans le fond pour un personnage ayant suscité tant de polémiques et de doutes.
Au milieu des années 80, Rubin Carter, alors oublié de tous, se retrouve soutenu par un trio d'architectes canadiens oeuvrant comme des mécènes auprès d'un jeune black défavorisé. Ce dernier s'est pris de passion pour le Champion en lisant sa bio et aidé de ses trois comparses, il mettra tout en oeuvre pour innocenter Carter. Ces quatre personnages dont Deborah Unger ("The Game", "Payback") et John Hannah ("Quatres Mariages...", "La Momie") sont assez transparents. Ils semblent venir du pays des Bisounours ou avoir été élevés auprès de Monsieur Drummond. Bien qu'ayant un rôle fondamental dans l'histoire, leur enquête n'est pas suivie et traitée comme un thriller malgré les intimidations et les menaces de mort subies par nombre de protagonistes.
Jewison et, ou Washington se sont permis une petite fantaisie dans le film : la photo de Malcom X présente dans la cellule de Carter, est une photo de Denzel issue du film de Spike Lee.
Le comble pour une histoire vraie : "Hurricane Carter" souffre d'un propos passablement mensonger et d'un manque cruel d'objectivité. Une approche plus noire (sans mauvais jeu de mot) aurait pu en faire le véritable brûlot socio-politique qu'il prétend être.