L’année dernière, Tarantino nous avait fait le (sale) coup du rabatteur patenté avec le pénible Big bad wolves qu’il encensait comme on s’enflamme pour un pin’s de la vierge Marie. Cette année, c’est Nicolas Winding Refn qui s’emballe pour ce polar teigneux et sanguin, sorte de relecture rosbeef de sa trilogie culte Pusher (la boucle est bouclée). Gerard Johnson connaît ses gammes et ses classiques, et son Hyena malfamé, sous influences, pioche à droite et à gauche dans quelques références du genre (on pense surtout à The shield) pour accoucher d’un trip nihiliste où pas grand monde s’en sort vivant, en entier ou même la tête haute (tranchée la plupart du temps).
Toutes les figures possibles du polar sont là et bien là, sans être foncièrement réinventées : bad lieutenant en mode rédempteur, flics pourris à la pelle, IGS vindicative et ricanante, demoiselle en détresse et mafia albanaise spécialiste de l’équarrissage (à la machette ou à la scie, selon l’humeur de ces messieurs). Rien de nouveau donc sous le ciel gris bas d’un Londres cracra, ethnique et urbain où flicaille camée et caïds patibulaires se font des mamours à coups de poings et à coups de sang, mais une énergie borderline qui ne faiblit jamais et une âpreté qui suinte de partout, sur fond de partition électro-stratosphérique.
Johnson fait de son anti-héros hargneux, cheveux gras et gras du bide (Peter Ferdinando, puissant), un pénitent d’aujourd’hui embarqué dans un monde frénétique où pas mal de repères moraux ont volé en éclats, et l’individu en miettes. L’homme est un loup pour l’homme, dit-on, et la hyène, elle, se pourlèche les babines pas très loin. Johnson use parfois d’effets de style apparents, limite esbroufe, et son dénouement vise la rupture à tout prix, trop roublard pour être honnête, trop sensationnel pour convaincre. La superbe photo de Benjamin Kračun (For those in peril), toute en couleurs appuyées et en néons irradiés, colle à l’ambiance poisseuse peaufinée par Johnson, rappelant celle de Benoît Debie et de Larry Smith qui travailla pour Winding Refn sur Bronson et Only god forgives (la boucle est bouclée, encore). Alors Hyena, possible futur du thriller ? Pas sûr, mais un avenir certain pour son metteur en scène.
Article sur SEUIL CRITIQUE(S)