Que n'a-t-on pas entendu sur le cas Hyper Tension, lors de sa sortie salle et encore aujourd'hui, de la part des gardiens du temple du bon goût ? Exaltation de la débilité profonde, étalage de la bêtise la plus grasse, culte de la beauferie, hystérisation de la caméra, réalisation avec les pieds, le film se roulerait donc avec gourmandise dans les tréfonds de la médiocrité. Soit, qu'il en soit ainsi...


Oui, à l'évidence, Hyper Tension ne sera jamais un chef d'oeuvre. Mais la qualification de daube honteuse, de la part de certains zélés, tout en se bouchant le nez dans une moue de dégoût, pourra prêter à sourire, tant d'autres films, pourtant mètre-étalon dans la catégorie, ne sont pas affublés de cette qualification infamante. Les petites natures cinéphiles répondront que la caméra secouée dans tous les sens par le duo Neveldine / Taylor leur a filé des haut-le-coeur et qu'ils n'ont rien compris à ce qu'il se passait à l'écran. Les plus hardcore soutiendront que les réalisateurs filment n'importe quoi n'importe comment. Or, s'il est peut être vrai que ces deux là impriment en certaines occasions n'importe quoi sur leur pellicule (encore que cela se discute), en aucun cas ils ne le font n'importe comment. Il suffit de jeter un regard sur quelques minutes de n'importe lequel de leurs making of pour s'en convaincre. Expérimentations, tests, adaptation : tout y passe pour filmer sous des angles inédits et afin de plonger le spectateur au coeur de l'action.


Si l'on peut, peut être, ne pas parler de "style", Neveldine et Taylor déploient cependant une certaine "technique", une réflexion sur la meilleure façon de restituer ce qu'ils ont en tête. On est donc loin du grand n'importe quoi tant décrié, encore plus de certaines descriptions ordurières d'un spectacle sans queue ni tête qui ne plaira, de toute évidence, pas à tout le monde.


Car Hyper Tension n'est finalement rien d'autre qu'une série B nerveuse, jouissive et bourrine, incroyablement rentre dans le lard et traversée d'une énergie fulgurante et contagieuse. Même si cependant, la shaky cam, tant dénoncée comme symptôme le plus évident de la décadence cinéphile, se stabilise progressivement à mesure que le film déroule son intrigue ultra courte. Ainsi, l'agitation extrême de Chelios, son hystérie et son hyperactivité forcée s'effacent peu à peu au profit d'un sentiment d'acceptation de sa mort prochaine, ou encore d'une sorte de surréalisme particulièrement prégnant lors de la scène de l'ascenceur et de l'ultime confrontation, prélude au massacre.


Neveldine et Taylor en profitent pour travestir leur Hyper Tension et mettre en scène à cette occasion un véritable jeu vidéo, dont presque tous les codes le nourrissent, des plus récents (Le FPS des premières minutes, le quasi GTA world de l'ensemble) aux plus immuables, avec ses items pour régénérer son perso ou encore la séquence d'invincibilité quand il s'envoie tout le contenu de sa seringue. Mais tout cela n'est que prétexte pour faire se téléscoper les scènes les plus foutraques, les plus détraquées, les plus inattendues ou improbables, gardant au plus haut l'influx nerveux d'un film survitaminé et la plupart du temps en surrégime, tout comme son personnage principal piégé.


Le duo n'oublie pas non plus d'injecter dans leur film une bonne grosse dose d'humour régressif et pas mal de touches Tex Avery rafraichissantes. Ni de faire évoluer dans l'environnement de Chelios une galerie de personnages haute en couleurs reflétant bien la faune des bas fonds, avec en tête un Efren Ramirez impayable et la mignonne Amy Smart dans un rôle de ravissante idiote qui, dès son entrée en scène, concentre quelques unes des meilleures idées humoristiques du film.


J'écrivais que Hyper Tension n'était "finalement" rien d'autre "qu'une" série B. Cela nécessite correction. Car Hyper Tension est un des sommets de la série B, genre souvent considéré avec dédain. Un de ses sommets en ce qu'il est ultra fun et décomplexé, tout en misant sur une action solide baignant dans une folie permanente. Neveldine et Taylor nous donnent un éprouver un plaisir, non pas coupable, mais au contraire totalement assumé, un exutoire totalement pop et déjanté, mal élevé, sans aucune limite et en forme de "fuck !" hurlé à la face du bon goût.


Quels sales gosses ! Venez que je vous embrasse !


Behind_the_Mask, qui ne prendra jamais un cocktail en Chine...

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le 9 juil. 2016

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