Un état imaginaire, l'assassinat d'un président, un procureur opiniâtre qui découvre une machination et qui s'approche trop près de la vérité... comme le disait Henri Verneuil, le titre du film a été choisi en fonction de la légende d'Icare, et l'idée de son film est partie d'un récit sur l'expérience de Stanley Milgram "la soumission à l'autorité" pour laquelle il s'était inspiré de l'assassinat de Kennedy. Avec son soin et son sérieux habituels, Verneuil se livre à une rigoureuse étude du dossier sur Kennedy et en propose une très habile transposition. En effet, bien que l'action soit située dans un pays imaginaire, on pense aussitôt à l'assassinat de Kennedy à Dallas.
Ce polar remarquable n'a pas la vocation première d'être commercialement attirant comme avaient pu l'être les précédents polars de Verneuil tels Mélodie en sous-sol ou le Clan des Siciliens, et encore moins ceux qu'il a fait avec Belmondo comme le Casse ou Peur sur la ville, c'est un scénario remarquablement échafaudé, plus complexe, à tiroirs, méticuleux, avec une intrigue à suspense et des attraits spectaculaires, mais qui s'appuie sur des faits réels. Cependant, Verneuil reste fidèle à sa réputation et sa conception du cinéma grand public. Mais tout en captivant par les rebondissements de l'enquête, la mise en scène et un casting remarquable, il donne à réfléchir sur les crimes politiques et sur un point précis inquiétant : les expériences menées entre 1960 et 63 par un psycho-sociologue américain, Stanley Milgram, sur "la soumission à l'autorité". Il avait été prouvé que des gens normaux pouvaient accomplir des actes contraires à leur conscience s'ils se sentaient couverts par une autorité supérieure, à la suite de manipulations. Une expérience de ce genre fait l'objet d'une longue scène du film, passionnante et en même temps stupéfiante, c'est l'un des morceaux de bravoure joué par de très bons comédiens comme Jacques Denis et Marcel Maréchal, et qui sont à l'image de l'homogénéité du casting entourant la vedette Montand qui s'est blanchi les cheveux pour faire plus "attorney" ; on y trouve en effet de très bons seconds rôles la plupart issus du théâtre comme Pierre Vernier, Roger Planchon, Didier Sauvegrain, Roland Blanche, Jacques Sereys, Jean Negroni ou Robert Party...
La dangereuse enquête menée par ce procureur tenace fait donc apparaître le conditionnement des individus qui peut mener à tous les abus, base d'un excellent film souligné par quelques pics musicaux de Morricone adéquats. Un polar captivant, parfaitement maîtrisé par un grand professionnel.