I'm your man ou je suis ton âme sœur idéale et vice-versa.
Dans Les affinités électives Johann Wolfgang Goethe s'intéresse aux relations humaines et plus précisément à la plus passionnante et la plus intense de toute. L'attirance et la répulsion, l'amour et son corollaire la détestation avec ses paroxysmes haineux seraient pure chimie, en tout cas combinaison, décomposition et recombinaison d'éléments à l'infini.
Dans I'm your man, le film de Maria Schrader, l'attirance, la répulsion et davantage selon affinités sont une affaire d'algorithme et de programmation sans cesse affinée à partir de bases de données exponentielles et de modélisations de ce que nous espérons et voulons et même de ce que nous ne savons pas encore de nos attentes à venir.
Alma/Maren Egert est une jeune femme pressée, peu encline à se pâmer et encore moins à perdre son temps en vains batifolages. Elle est femme à aller à l'essentiel car son temps est précieux. Brillante scientifique, engagée dans un programme de recherche en anthropologie, elle prête accessoirement son concours à une expérience. Elle doit vivre avec et tester en quelque sorte pendant trois semaines un robot humanoïde. Tom est ce personnage d'avenir et force est de constater qu'il n'est pas un vague assemblage de tôles, de boulons, de cablage et de petites lumières qui clignotent et s'exprimant d'une voix d'outre-tombe ; il est un humanoïde plus humain que nature et même doté de tous les attributs qu'on est en droit d'attendre chez un homme, il est beau gosse, séduisant, galant et charmeur.
Tom est spécialement programmé pour correspondre à la définition de l'homme idéal. Son algorithme est à la fois la synthèse de quelques millions de données personnelles recueillies auprès des humains et de celles du profil personnel d'Alma. Entre Tom et Alma cela devrait donc « matcher » à coup sûr. Tom doit ainsi, non seulement adopter des comportements selon les attentes d' Alma mais surtout développer des capacités d'adaptation à sa personnalité nécessairement fluctuante du fait de sa nature profondément humaine donc aléatoire par définition.
Alma n'est pas exclusivement concentrée sur le bonheur que Tom est censé lui apporter scientifiquement, ce qui met régulièrement ce dernier dans un certain embarras qu'il manifeste avec un très léger décalage avant que les circuits imprimés de son système neuronal ne reprennent la main montrant ainsi une capacité d'adaptation hors pair et le génie propre du geek qui l'a programmé.
Tom me fait irrémédiablement penser à mon Tom Tom. Quand je le programme pour me guider de Macon à Nîmes, il m'envoie tout aussi irrémédiablement dans le tunnel de Fourvière. Totalement insoumis à ses injonctions, je prends l'autoroute A 46 et aussitôt, avec un opportunisme sans pareil, Tom Tom rallie mon point de vue et s'adapte à mon choix. Tom fait de même avec Alma tout en marquant un court instant de flottement que les petits génies de l'algorithmie s'efforcent de supprimer sinon de rendre imperceptible.
Le thème n'est certes pas nouveau et avait déjà été longuement développé dans l'excellente série suédoise Real Humans, à la différence que la série se place davantage du point de vue de l'androïde et de ses besoins d'émancipation alors que Je suis votre homme se place du point de vue de l'usager de ce qui est appelé à être une des merveilles de la technologie.
La période de test touche à sa fin et le moment est venu pour Alma de rédiger son rapport. Son étude n'est pas exactement celle à laquelle le spectateur se livre lui-même tout au long du film. La question n'est déjà plus de connaître les performances de la créature que l'Intelligence Artificielle meut, mais de déterminer l'intérêt et de mesurer les limites de sa présence dans nos vies.