Enième tentative de remettre quelque classique au goût du jour, I Spit on Your Grave avait tout du remake casse-gueule. Même s'il promettait aussi, au cas de réussite, une réappropriation dérangeante de son sujet brûlant.


Une première vision avait laissé un plutôt bon souvenir au masqué, même si cela n'égalait pas, dans son esprit, l'aîné de 1978. Méchant, nerveux, froid, mieux charpenté et plus inventif dans sa vengeance, Behind n'était pas du tout resté indifférent.


Un petit film sympa, donc...


Jusqu'à une révision meurtrière, surtout en back to back avec l'oeuvre originale de Meir Zarchi, qui a eu le don de faire sauter au visage du masqué le changement total d'optique et de conception d'un rape and revenge afin de satisfaire au goût du teenager des années 2010 et des producteurs de la chose, pour le coup totalement schizophrènes.


Pourtant, cela partait pas mal, cette affaire, même si Steven R. Monroe multiplie les clins d'oeil à un long métrage qu'il s'est piqué de réorganiser par souci de s'en détacher sans pour autant s'aliéner les fans du premier opus.


Pire, le spectateur un peu futé comprendra vite, avec ces plans insistants, dans cette cabane abandonnée, que les instruments de la vengeance vont bien changer, garantissant à l'ado tout aussi insatiable que blasé, question violence, quelques scènes chocs bien craspec.


Tout cela annonce donc un I Spit on Your Grave en pleine mutation, s'éloignant assez sauvagement du message de son aîné. Si, par souci de cohérence, Monroe inverse les mécanismes de l'agression, le film ne semble plus centré sur la sidération ou le choc traumatique viscéral de la violence à caractère sexuel. Mais beaucoup plus sur ses odieux préliminaires, passant du home invasion à une torture psychologique sans fin, avant d'enfin aborder la barbarie clinique du viol forestier.


Ces sévices, pour plus dérangeants qu'ils soient par rapport à la version de 1978, touchent cependant à l'effet inverse que celui qui était sans doute escompté : celui d'anesthésier son spectateur, tant I Spit on Your Grave pourra se montrer complaisant. Désincarné, froid, le film a beau se montrer cruel, l'audience semble cependant déjà se détourner, tant elle attend ce qui est supposé être le climax du long métrage, surtout en 2010, ère de la violence graphique la plus débridée a priori.


Or, I Spit on Your Grave, sur cet aspect, réussit le double exploit de se montrer beaucoup plus complaisant que son grand frère, tout en en montrant pourtant beaucoup moins à l'image. Plans serrés, éléments venant cacher l'indicible, Monroe ne fait que refuser l'obstacle de manière systématique.


Mais comble du comble, l'aspect vengeance de l'entreprise, hypertrophié, saborde littéralement le message originel d'un film se réduisant de plus en plus à un vulgaire torture porn démonstratif et outrancier dès lors qu'il s'agit de punir les salauds qui ont brisé l'oie blanche. Mais manque de bol, celle-ci est transformée au passage en ange de la mort froid et déterminé, implacable, aux allures de Terminator impassible jouant de manière sadique au chat et à la souris avec ses bourreaux. Au point que l'on en éprouverait (presque), à leur égard, un peu de compassion.


Cette dernière réflexion pourra apparaître monstrueuse. Sauf que Jennifer sera amputée, en 2010, par son machiavélisme et sa froide détermination, du caractère spontané et fondé de sa vendetta. Ainsi, elle qui retournait naguère sa féminité contre ses agresseurs, se contentera, pour se venger de ses nouveaux sévices, d'utiliser contre ses tortionnaires leur propre attribut, leur propre élément clé dont il ont fait usage lors de son martyr. Caméscope, noyade, fusil, torture de la pouliche explosant en pleine face de l'étalon, Jennifer se transforme en disciple hardcore de Jigsaw, sous la caméra d'un Steven R. Monroe qui, ce coup-ci, ne cache plus rien à un spectateur qu'il imagine, à raison, en train de jubiler.


Tout ceci afin de masquer maladroitement, dans une dernière ligne droite des plus hypocrites, le fait que la Jennifer cuvée 2010... Ne tue tout simplement plus personne de ses propres mains. Comme dans un banal Hunger Games aseptisé où l'héroïne réussissait à ne pas devenir une meurtrière. Le comble pour une histoire de vengeance, quand même...


De tels stratagèmes n'ont malheureusement d'autre résultat que de surligner au stabylo des conceptions de la violence impossibles à concilier : celles visant à faire garder les mains propres, au bout du compte, à une héroïne outragée qui doit rester un minimum sympathique et dans son bon droit, tout comme celles visant à satisfaire le spectateur, celui qui a payé pour voir du sang, de la viande, des mises à mort et la réalisation d'une vengeance légitime.


En résultent ainsi une totale déresponsabilisation et une schizophrénie des plus flagrantes qui pourront laisser songeur aujourd'hui, mais surtout un peu plus désabusé encore quant à l'utilité de certains remakes qui, sous couvert de mise au goût du jour, trahissent et dénaturent leur modèle plus ou moins illustres. Même si cette nouvelle itération est plutôt bien filmée et nasty.


Car pour aussi démodés, bancals ou scénaristiquement à la ramasse puissent-ils être considérés, il est manifeste que certains vieux classiques resteront indépassables pour longtemps...


Behind_the_Mask, oh temps, suspends ton viol.

Behind_the_Mask
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le 18 nov. 2018

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Behind_the_Mask

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