I Spit on Your Grave par FredericMarucco
Il y a des films auxquels on pense longtemps après les avoir vu, et pour ma part ce ne sont pas les meilleurs. Je pense que c'est parce qu'ils laissent beaucoup de place à l'imagination dans la mesure où ils sont plein de trous, d'imperfections, de directions devinées mais pas suivies. I spit on your grave fait bien évidemment partie de ces films essentiellement composés d'intentions et qui sont aussi éloignés du chef-d'œuvre que le hamburger l'est du foie gras (et encore ça dépend des goûts). Le chef-d'œuvre n'ayant qu'un défaut, c'est qu'il se suffit à lui-même et a un côté frustrant pour ceux qui ont un esprit créatif.
Ceci dit il me reste de I spit on your grave une impression positive, justement à cause de cette liberté qu'il laisse entrevue dans tout ce que ce film ne fait qu'effleurer ou ne montre pas. Car à première vue si on fait un inventaire simpliste ça ressemble plus à une catastrophe qu'autre chose : une actrice apparemment insignifiante, voire transparente, des "méchants" basiques, des invraisemblances ridicules (surtout à la fin) et des scènes gore faites pour masquer l'inanité de l'ensemble.
Mais c'est justement dans sa partie "lente", aux dires de certains, que le film prend sa dimension: l'arrivée de la victime, le passage à la station-service d'une banalité affligeante, sa vie dans les bois, et après le viol, le retour à la normale des pauvres types avant que l'angoisse ne vienne les saisir. Quel intérêt à ces scènes qui freinent l'action pour les amateurs? Elles nous montrent des gens qui existent et pas des personnages en deux dimensions qui s'agitent dans un cadre. Et c'est là qu'on regrette le manque d'imagination pour les parties "hard" essentiellement axées sur l'humiliation pour bien justifier le retour de manivelle. Mais c’est la règle du genre.
Le viol au cinéma est un grand casse-tête. Comment montrer sans faire pointer une touche d'érotisme? Le réalisateur ne sait pas, comme beaucoup d'autres. C'est un paradoxe, montrer la douleur ne suffit pas, il faut encore que l'on s'y associe et malgré tous les efforts, méritoires, de Sarah Butler c'est un peu léger. Dans ce cas deux directions possibles, accentuer l'aspect dégoûtant de l'acte, ou être vraiment dans l'empathie avec la victime, et là encore cette pauvre Sarah fait son possible, mais avec rien difficile de faire quelque chose. A titre d'exemple, afin d'être bien compris, et pour montrer que c'est pas si compliqué que ça, j'ai infiniment plus de compassion pour la femme et la fille du flic (Chastity! faut le faire pour la fille 'un violeur) que l'on voit trois minutes et qui vont se retrouver veuve et orpheline. Pourquoi? Parce que dans ces trois minutes ces deux personnages ont été fixés dans un cadre humain. Et en poussant le bouchon un peu loin, voir les trois crétins boire des bières sur leur vieilles banquettes de bagnole pendant trente secondes suffit à leur faire prendre une dimension qui fait qu'on regrette presque ce qui va leur arriver.
D'ailleurs parlons-en puisque nous y sommes. Passons les invraisemblances inhérentes au genre. Comment elle survit, comment elle transporte des mecs qui font 100 kilos, comment elle sait qu'ils vont venir à la ruine, comment elle sait que la fille du flic passe en classe d'honneur? Et j'en passe. Mais qui est vraiment cette Jennifer sortie de l'eau? Le réalisateur et le scénariste avaient forcément une idée sur la question mais qui ne devait pas être la même. Victime remplie de vengeance, fantôme diabolique, mutante aux pouvoirs divers décuplées par la haine? Il y avait un choix à faire, on s'est contenté de nous montrer des choses. Point.
On peut imaginer plusieurs films qui auraient pu être faits et demeurent à l'état d'ébauches. Et finalement, avec un peu d'étonnement quand on a laissé décanter l'ensemble dans sa tête, on s'aperçoit qu'il y en a une qui surnage (facile) dans ce brouet filmique c'est Sarah Butler qui a presque réussi à nous faire avaler la pilule sans trop donner l'air d'y toucher. Quelques regards, ses mouvements hiératiques qu'elle a dû improviser, histoire de faire quelque chose lorsqu'elle marche nue dans les bois, sa tendresse non feinte à l'égard de Matthew avant de lui passer la corde au cou… On fera peut-être quelque chose de cette actrice.