I Wish I Knew - Histoires de Shanghai par Teklow13
Le nouveau film de Jia Zhang-ke, I wish i knew est dans la continuité de 24 City et il s'inscrit parfaitement dans l'œuvre du cinéaste, par les thèmes qu'il aborde, la construction, le renouvèlement, la mémoire, et le travail de mis en scène, notamment sur la frontière entre réel et fiction.
Le film, construit autour de 18 témoignages, parle de Shanghai et son histoire contemporaine des années 30 à nos jours. Jia Zhang-ke par l'intermédiaire de ces témoignages personnels, chacun racontant une anecdote plus ou moins importante de sa propre histoire, tente non pas de construire un portrait global et exhaustif de la ville, mais de mettre en avant l'idée et le travail de mémoire. Une mémoire qui a longtemps fait défaut à la Chine, pays en développement permanant et au regard fixé vers l'avant.
C'est donc un film sur la mémoire, plus exactement un questionnement, une prise de conscience sur le passé.
Parmi ces témoignages le cinéaste intercale des extraits de films sur cette ville réalisés à différentes époques. On y trouve par exemple les Fleurs de Shanghai, Hou Hsiao Hsien témoigne lui aussi dans le film, Nos années sauvages de Wong Kar Wai, la Chine d'Antonioni.... Ces extraits permettent d'une part de montrer que le regard sur cette ville peut et vient souvent de l'extérieur, d'un autre lieu, d'une autre culture, chacun tentant de la comprendre, de la saisir, et d'autre part remet en avant l'idée du Cinéma comme marqueur du temps et de la mémoire. La temporalité étant l'autre thème important du film.
L'autre marqueur c'est l'architecture. Des bâtiments désaffectés à la construction des pavillons pour l'exposition universelle elle traduit toute l'évolution et la marche en avant de cette cité urbaine. Les passages les plus réussis du film sont peut être ceux où le réalisateur montre la ville tel qu'il la perçoit, en essayant de restituer une atmosphère, une odeur. Une ville qu'il filmera uniquement dans la brume. C'est d'ailleurs l'idée qui ressort du film, Jia Zhang-Ke se pose des questions sur cette ville, sur son développement, sur son passé (en filigrane il s'agit bien sûr de la Chine en général), mais il semble hésitant, cherche des pistes et reste dans le flou, dans le brouillard.
La plus belle idée du film est celle d'avoir inséré comme un fil conducteur, des fragments de « fiction », durant lesquels on voit son actrice fétiche, Tao Zhao, évoluer à travers les paysages urbains et à travers les témoignages, de façon hésitante, souvent filmée en mouvement soit ralenti soit saccadé.
Ce personnage, c'est le questionnement, c'est à la fois le cinéaste, la ville et la Chine elle-même, et lorsqu'une pluie diluvienne s'abat sur elle, c'est tout le flot de souvenirs et toute cette mémoire qui refait surface.