Quand on veut de l'exotisme en animation, on est amené à voir des films à la communication inexistante, ou à la distribution quasi technique où l'on peut voir le film que dans un bled paumé ou que quelques jours. C'est le cas d'Icare, de Carlo Vogele qui a tout pour repousser. Une pâte graphique marqué, une histoire pouvant ne pas faire l'unanimité (et qui n'a pas fait l'unanimité dans la salle où j'étais car des enfants sont ressorti en disant à leurs parents qu'ils ont pas aimé), et une production européenne qui ne pourra pas offrir la qualité technique d'un Pixar ou d'un Disney, même les plus médiocre. Mais du coup, est ce que ça vaut le coup ? Oui, c'est plutôt sympathique.
La première chose qui frappe c'est à quel point, malgré une technique d'apparence pas très couteuses, le film est extrêmement beau, même sur grand écran. Le film est en 3D avec un style épuré, des couleurs plutôt légère, et un niveau de détail volontairement non réaliste afin de presque ressembler à une fresque mythologique en mouvement, mais à aucun moment cette 3D fait tâche tant le tout est soigné même sur des plans de danse où les personnages sont filmés de très près. On aura évidemment des moments avec des imperfections mais tout est tellement vidé de tout élément superflu qu'il est difficile de trouver des moments à problème. On est vite plongé dans cette univers qui respire d'une poésie indéniable et d'une délicatesse à toute épreuve. L'un des points les plus marquant reste le travail sur les personnages et surtout sur la créature qui fait presque penser à Lamb de Valdimar Jóhannsson dans sa manière de filmer l'animale comme un objet de curiosité, et un être à part entière. Mes principaux soucis, au niveau de la réalisation, surviennent lorsque le mythique et le grandiose vient comme casser le naturel et la poésie instauré durant tout le film. Il y a notamment une scène avec Thésée qui se veut très premier degrés mais qui, dans une volonté d'en faire toujours plus, kit à en faire des caisses, va pour faire une scène de plongeon nu avec la caméra faisant des tours autour du personnage, et va pour filmer le corps de Thésée nu ressemblant à un personnage 3D de body builder de pub japonais dans ce qui ressemble beaucoup à un meme internet bizarre. Cependant mon principale soucis, à l'exception de quelques scènes bizarres, est que l'écriture est loin d'être à l'égale de la réalisation.
Si on aime se perdre et déambuler dans ce monde mythologique, on va très vite rencontrer les limites du film à travers un scénario qui peine à placer ses personnages et son histoire. La volonté du film est de raconter la petite histoire qui va nourrir la grande à travers un personnage qui n'a pas eut grand impact dans la mythologie grecque, mais qui va pouvoir offrir un 3e œil sur une histoire que tout le monde connait. Pour ceux connaissant déjà les mythes auquel le film fait référence, la surprise sera moindre, mais pour quelqu'un qui ne connait pas tout par cœur ou qui ne connait pas le mythe d'Icare, le film peut être un plutôt bon moment. Malheureusement, le fait est que le film veut parler d'une chose en prenant un personnage mythologique, mais qui ne marche absolument pas ni avec le personnage, ni avec les différents mythes qu'il invoque. On veut nous parler d'indépendance et de passage de l'enfance à l'adulte à travers la vie d'Icare qui va être rythmé par son travail dans l'atelier de son père, la rencontre avec la créature, et va devoir faire un choix entre suivre la figure paternelle et suivre son propre chemin. Cependant on veut aussi nous parler du mythe de Thésée et un de ses exploits les plus connu contre le roi Minos, on veut aussi parler de la backstory entre la reine et le père d'Icare, on veut parler de la romance entre Ariane et Thésée... on se perd face à un film qui patine de trop à raconter son univers et qui accumule les longueurs. Ce qui fait que le visionnage devient assez laborieux car ne sachant pas réellement ce dont veut parler le film, ce dont parle le film, et fait passer un film de 1h10 comme un moment long au ressenti de 2h pas nécessairement agréables. Enfin, l'imbrication des histoires peine à prendre, si bien qu'Icare devient par moment spectateur de son propre film, jusqu'à la fin qui perd complètement le spectateur.
Si la mort du Minotaure est très belle avec le fait que Thésée ramène sa tête un peu bêtement face à un Icare totalement dévasté par la mort de son ami, la fin devient assez ambigu. Là où le film nous présente un personnage à la recherche de l'évolution et de la quête d'indépendance, Icare finit par tout de même rester dépendant de son père pour pouvoir sortir. On peut y voir un signe de réconciliation entre deux générations qui ne se comprenaient plus et qui finissent par s'allier pour pouvoir littéralement prendre leurs envol vers un avenir radieux, mais là encore, la fin est beaucoup trop complexifié dans un besoin de coller au mythe d'Icare, et va donc montrer comment Icare meurt en voulant s'approcher trop près du soleil. Là où le mythe de base parle de faire attention en voulant prendre des risques et toujours agir avec raisons, le film transforme presque cette fin comme quelque chose de triste et restrictif pour son personnage principale, car tout cela est mis dans un contexte autre. On y voit presque Icare essayant d'aller de ses propres ailes afin de pleinement prendre son indépendance (dans la ligné du propos du film jusqu'à présent), mais qui se heurt à la dure réalité que, sans son père, il n'arrivera pas à survivre. C'est évidemment très pessimiste mais c'est un peu l'impression que nous donne cette fin. Malgré tout, plus que l'impression que c'est un film avec un propos de fond douteux, on voit surtout un film assez naïf et innocent qui se perd à vouloir raconter milles histoires en une, tout en apportant un propos sur l'adolescence qui ne marche pas très bien.
Tout le film souffre de cette association de mythe qui ne marche pas forcément et crée des conflits avec le propos que veut donner la réalisatrice. C'est fort dommage car le film reste agréable en tant que pure expérience esthétique et contemplative.
10,5/20
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