Avec Ida, Pawel Pawlikowski réalise avec élégance mais opacité une découverte de soi-même, où une femme doute du chemin de traverse qu’est en train de prendre sa vie, où elle doute de sa propre personnalité et de ses propres envies.


La force d’Ida, c’est avant tout sa mise en scène plus que remarquable. Les plans sont quasiment tous fixes, où seuls les personnages déambulent dans un décor presque mortifère marqué par les stigmates encore béants de la guerre. Malgré la rigidité formelle du film, le montage rapide permet une construction scénaristique captant les moindres détails d’une histoire épurée. Une jeune femme, vivant dans un couvant et étant en passe de faire ses vœux, fait alors la connaissance d’une de ses tantes. Les deux femmes vont alors s’embarquer dans la découverte du passé d’Ida et de la mort de ses parents juifs.


S’ensuit alors une traversée funèbre, une sorte de road movie léthargique et intimiste dans les tréfonds d’une quête initiatique personnelle. Chaque plan, doté d’une photographie incroyable et d’un noir et blanc d’une luminosité éclatante, est d’une beauté flamboyante, un réel plaisir pour les yeux dévoilant un sens du cadre hors pair et une utilisation de l’espace percutante, à l’image de toute cette séquence se déroulant dans la forêt pour déterrer des souvenirs plus que cruels. Sous cette couche de marbre esthétique un peu austère, se dégage une tristesse de tous les instants.


Ce qui est beau, c’est la finesse du traitement, la justesse des mots et de la représentation des révélations mortifères, qui sont par moments d’une cruauté effroyable et d’une noirceur saisissante. Des petits riens, des simples gestes sont comme une introspection humaine discordante dans son for intérieur, comme un simple mais sublime détachement de cheveux. Ces grands yeux noirs semblent définitivement évasifs dissimulant une solitude quasi solennelle entre un Dieu silencieux et une famille disparue, notamment suite à sa nuit passée avec un musicien dont elle s’était un peu amourachée.


Détachée de tout lien social dans son couvant, elle fait connaissance de sa tante, femme conquérante mais dont les cicatrices maternelles ont du mal à s’évaporer, noyées dans un alcoolisme lattant, qui vont mettre à mal la foi d’Ida. Pawel Pawlikowski offre un film simple, court mais doté de fulgurances bouleversantes sur une quête mémorielle sur le passé et sur le futur d’une femme, qui découvre des parties d’elles-mêmes étant inexistantes à ces yeux jusqu’à ce jour.

Velvetman
8
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le 12 sept. 2018

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Velvetman

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