Le cinéma serait-il dans une impasse ? En effet, depuis quelques temps, la plupart des courts et longs métrages de toutes nationalités semblent se diviser en deux catégories. D’un côté, les œuvres esthétiquement accomplies, d’une maîtrise formelle impeccable mais dépourvues d’émotions (The grand Budapest Hotel) voire de scénario (American Bluff) et de l’autre des films classiques disposant d’une intrigue honorable mais sans aucune recherche artistique (Mandela, Le majordome…).
Ida, le cinquième long métrage de fiction du polonais Pawel Pawlikowski, avait ainsi les cartes en main pour réunir ces deux tendances du cinéma contemporain. Jouissant d’une intrigue intéressante (Dans les années 60, une jeune orpheline rencontre sa seule famille avant de prononcer ses vœux et découvre un sombre secret), le film est en effet d’une maîtrise formelle époustouflante, chaque plan étant pensé à la perfection pour symboliser la psychologie de l’héroïne (la solitude, le doute…). Filmée dans un noir et blanc crépusculaire d’une élégance et d’une sobriété remarquable, l’œuvre est d’une beauté visuelle fascinante. Malheureusement l’intrigue ne tient pas ses promesses (et place directement le film dans la première grande tendance du cinéma actuel). En effet, les actrices sont sublimes mais désincarnées, les scènes sont semblables à des tableaux certes magistraux mais dénués d’émotions, l’ensemble est éteint, froid et dans ces conditions, il est difficile de s’attacher aux personnages et à leurs pérégrinations. Ida reste cependant une œuvre d’une grande intelligence, qui revient avec subtilité et profondeur sur les traumatismes de la seconde guerre mondiale et la difficile expiation d’un passé dérangeant.
Zoom sur … L’impossible histoire du cinéma polonais
Ida, première œuvre polonaise a trouvé un public cosmopolite depuis quelques années, pose la question de l’histoire de ce cinéma très peu présent sur la scène internationale. En effet, l’invasion de la Pologne par Hitler puis le régime communiste a quelque peu perturbé le développement du cinéma polonais. Ce n’est d’ailleurs qu’en 2005, qu’une véritable ligne politique cinématographique s’est établie avec la mise en place de la promotion des films à l’étranger, de cours de cinéma et d’un fond de soutien aux productions. Néanmoins malgré ce manque institutionnel, quelques grands réalisateurs ont vu le jour, à partir des années 1950, dont Krzysztof Kieslowski à qui l’on doit notamment la trilogie Trois couleurs (qui fera grand bruit à Cannes), Andrzej Wajda (Danton, L’homme de fer) mais surtout Roman Polanski primé encore cette année aux Césars (comme meilleur réalisateur pour son film La vénus à la fourrure). Entre Chinatown, Le bal des vampires, Rosemary’s baby et j’en passe, ce dernier a su réaliser des films aussi divers qu’intelligents, Le pianiste constituant le chef d’œuvre d’une filmographie hétéroclite et démontrant l’effervescence d’un cinéma polonais en pleine expansion.