Une claque esthétique et émotionnelle rare

Ida, orpheline, est une jeune bonne sœur, enfin pas tout à fait, dans quelques jours elle doit prononcer ses vœux. La mère supérieure l'encourage à aller voir la seule famille qui lui reste, une tante qu'elle n'a jamais vue. Quand Ida débarque chez Wanda, c'est le choc des cultures. Célibataire, alcoolique, fumeuse, collectionneuses d'aventures d'un soir... et juge au lourd passé. Wanda n'y va pas par quatre chemins et annonce à Ida qu'elle est juive, que ses parents sont morts et enterrés on ne sait où, et s'offusque de ce que les bonnes sœurs ne lui aient jamais rien dit. À partir de là, les deux femmes vont partir à la recherche de la vérité, dans un pays où les cicatrices de la guerre sont encore à vif et les secrets encore brûlants sur les lèvres.
Étrange équipage que ce couple de femmes aux antipodes, frappées par le même malheur. Ida est si jeune et d'apparence si fragile. Wanda a vécu tant de choses que plus rien ne semble pouvoir l'atteindre. Et pourtant.
Pawel Pawlikowski, le réalisateur, a offert à cette histoire poignante une mise en scène d'une perfection rare. Le noir et blanc est désormais une coquetterie, un artifice à manier avec grandes précautions. Ici, il est sublimé par une photographie somptueuse : des contrastes saisissants, une lumière envoûtante, des cadrages et des compositions tels qu'on pourrait sortir chaque plan, l'imprimer et l'exposer dans un musée. À la limite, c'était tellement parfait que parfois j'en oubliais l'intrigue pour admirer le souci du détail permanent, cherchant la faute de goût que je n'ai évidemment pas trouvée. Et cette perfection visuelle n'est pas juste esthétique, elle sert admirablement le jeu des comédiens, et surtout des deux comédiennes principales. Les yeux noirs d'Ida, ronds comme des billes, crèvent l'écran de leur candeur et de leur colère. Le noir et blanc, la lumière, la composition... soulignent les émotions avec grâce et les placent au cœur de cette histoire ô combien douloureuse.
Tout dans ce film est beau, élégant, subtil et délicat. Et la fin vous vrille le cœur.
Apprendre que l'actrice principale, Agata Trzebuchowska, n'est pas comédienne et ne souhaite pas le devenir... un soupçon de magie en plus sur ce film. Et mention spéciale à Dawid Ogrodnik, le beau saxophoniste, pour incarner à lui seul la tentation.
Ghislaine_Borie
9
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le 30 mars 2014

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Ghislaine Borie

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