Après m'être volontairement infligé le visionnage intégral des 56 épisodes de la première série des "Cinq dernières minutes", il fallait que j'en vienne à la source du mythe, à l'acte initiateur: le film "Identité judiciaire".
Il faut dire que la série a à peu près tout piqué au film: personnage principal, décor, costumes, accessoires…
La musique emblématique, "Arsenic blues", de Marc Lanjean, est, quant à elle, tirée d'un autre film de 57, "la peau de l'ours", avec le très indigent Jean Richard.
La série de Claude Loursais mériterait une critique à part, tant par sa longévité que par son intérêt sociologique.
Raymond Souplex, avec sa bonhommie replète, s'était souvent borné, jusque là, à incarner le personnage de clochard philosophe qu'il trainait depuis 1935 (Sur le banc), ou d'artistes bohèmes en lien avec sa carrière essentiellement de music-hall, comme dans "Lady Paname" ou "Garou-Garou le passe-murailles."
C'est une sorte de coup de génie de la part du réalisateur, Hervé Bromberger, de l'avoir choisi pour le rôle de composition du commissaire Basquier.
On discerne déjà tout le microcosme installé dès lors pour les enquêtes de l'inspecteur Bourrel, jusque dans la blague à tabac en plastique à tirette, hormis la fameuse formule conclusive "Bon Dieu, mais c'est bien sur!".
Néanmoins Souplex, un peu plus jeune encore, peut se permettre encore de courir dans les escaliers ou de flanquer une paire de gifles.
Le parti-pris du film est d'axer l'élucidation de l'énigme (des viols et assassinats d'un maniaque), sur la méthode scientifique. Il y a d'ailleurs un personnage pittoresque de graphologue, campé par Charles Vissières, né en 1880, qui assure la transition avec les temps héroïques de Bertillon.
C'est amusant de voir ces séquences appuyées sur l'intérêt de l'exactitude scientifique pour justifier un certain nombre d'approximations ou d'affirmations péremptoires ( "la graphologie est une science exacte madame!"). Rien ne nous est celé sur la procédure du levage d'empreintes ou du moulage des traces de pneus.
En revanche on constate un certain déséquilibre dans la construction du film: la première partie consiste à nous faire partir sur des fausses pistes dans la désignation du suspect, puis brusquement le vrai coupable s'auto-désigne au spectateur, sans qu'on sache vraiment pourquoi il le devient également aux yeux du commissaire, si ce n'est moyennant une lettre anonyme un peu parachutée.
La dernière partie, la traque du criminel, est un peu une tarte à la crème des films de genre, qu'on retrouve poussée à son paroxysme dans "Maigret tend un piège" en 1958.
Un film plaisant pour les inconditionnels du futur Bourrel!