René Féret filme comme peu la famille, de manière plus ou moins autobiographique mais pratiquement toujours avec un intimisme d’une subtile délicatesse. Le sujet d’Il a suffi que maman s’en aille est des plus simple, trivial, aussi humble et modeste que sa filmographie. Un homme a été quitté par sa femme qui a refait sa vie avec un autre homme. Il veut avoir la garde de sa fille d’une dizaine d’années.
De la manière et des raisons qui ont motivé la séparation parentale on ne saura rien. Le film se consacrera à la relation père/fille qu’il va falloir créer et à la manière dont le père va s’efforcer de construire ces liens qui semblent-ils n’ont jamais vraiment existés
Olivier (Jean François Stévenin) vit seul dans une grande et belle maison isolée en pleine campagne limousine. Il est proche de la soixantaine, maître d’œuvre débordé par ses chantiers et la pression de ses clients qui ne veulent que lui comme seul interlocuteur. Ses seuls temps libres, il les consacre à sa passion des chevaux : Equidia à la télé, Paris Turf comme lecture, après-midi libres sur les petits champs de course rustiques de la région. On l’estime mais il est solitaire, bourru, meneur d’hommes à la dure sur ses chantiers. Il a eu sa fille sur le tard de sa femme plus jeune ; lui avait la cinquantaine. De par son âge, son caractère, son activité professionnelle, il n’a pas été un père très aimant de cette petite Léa (Marie Féret, fille du réalisateur) dix ans, gamine épatante à l’ air de garçon manqué.
La nouvelle donne qui s’impose à Olivier le contraint à modifier ses habitudes d’homme débordé, et l’oblige à se montrer plus à l’écoute, plus attentif à sa fille. Cet apprentissage du rôle de père va progressivement le révéler à lui-même et lui faire redécouvrir le pouvoir de la tendresse
Ce très beau film sur les relations père-fille touche par sa sincérité, sa vérité et une finesse rarement vue au cinéma. Tout est tissé de petits riens avec une grande délicatesse et un sens du récit très sûr. Cette réussite tient aussi beaucoup aux deux acteurs principaux dans un exercice relativement délicat où ils se révèlent admirables. Marie Féret est toute en grâce et en naturel. Jean-François Stévenin est parfait de sobriété, mélange de force et de douceur, puissant terrien à l’œil tendre, dont l’image coïncide parfaitement avec le personnage qu’il incarne. L’alchimie de leur talent se combine à merveille avec celui de René Féret à filmer les gens, la nature, la solitude et l’amour pour faire un film simple, émouvant, jamais larmoyant