Le film de Petr Václav Il Boemo nous raconte : la triste fin du compositeur bohémien Josef Mysliveček, puis en un long flashback son ascension vers la renommée dans les Cours italiennes du XVIIIème siècle comme compositeur lyrique, à Venise, Naples, Rome, Bologne (où il rencontre le jeune Mozart), ainsi que sa vie amoureuse agitée... avec une de ses élèves violoncelliste, avec une cantatrice, avec une ou deux femmes de la Cour qui favorisent sa carrière, finalement avec une femme de chambre de laquelle il contracte la syphilis, dont il mourra. Une vie relativement courte, même pour l'époque, mais pendant laquelle ce compositeur talentueux (génial ?) et prolifique parvient à créer 30 opéras (dont certains acclamés à leur création), 85 symphonies, des oratorios, des concertos, de la musique de chambre... Et malgré tout, "Il divino Boemo" (le divin Tchèque) tombe dans l'oubli, quasiment de son vivant et cela, pour deux siècles et demi. C'est sidérant, inexplicable. Ainsi passe la gloire du monde.
Mauvais musicien ? Pas du tout, sa musique est magnifique, d'une beauté à pleurer. C'est d'ailleurs le premier mérite du film, nous faire découvrir sa musique. Pour moi, jusqu'à aujourd'hui, Josef Mysliveček était un illustre inconnu. Je n'en avais jamais entendu parler. Magnifique musique lyrique donc, baroque. Et intéressante reconstitution historique de l'époque : on est à Venise, à Naples, Bologne, Rome. Les décors, les costumes, les maquillages, les coiffures ou perruques sont soignés. Le film est peut-être exagérément centré sur la vie amoureuse du musicien. Certaines scènes sont un peu trop étirées, notamment celle où le roi de Naples Ferdinand IV (je crois) défèque chez et en présence de "Il Bohemo" puis commente ses selles... ; d'autres (de libertinage) sont assez crues. Et finalement, le visage du compositeur, dont la beauté est bouffée, détruite par la maladie, est assez traumatisant.
Mais malgré ces possibles bémols, Il Boemo est un beau film tirant magnifiquement parti des merveilleux opéras du maestro. Et cependant, il est d'une tonalité assez triste. On nous montre Mysliveček libertin et joueur (risquant jusqu'à ses derniers biens : sa montre et même sa veste de cérémonie), toujours comme un oiseau sur la branche, toujours dépendant des puissants de l'époque, de leur bon vouloir, caprices et extravagances. Mais ce musicien de génie a nécessairement, pour composer ses nombreuses pièces musicales, travaillé comme un forçat pendant ses quelque vingt années de production (grosso modo, de 25 à 43 ans), sans en être véritablement récompensé. Toute une vie de labeur frénétique pour, étant passé de mode malgré son acharnement et certains éclatants succès, mourir dans la misère et l'oubli : triste destin et un bien long purgatoire !
Bien qu'empreint de pessimisme (qui de nous ne construit pas sur du sable ?), ce beau film de deux heures vingt est, de bout en bout, agréable à regarder et surtout à écouter. Je suis resté jusqu'à la dernière seconde du générique final.