L'ombre encombrante d'Amadeus plane au-dessus d'Il Boemo, du réalisateur tchèque Petr Václav, mais il serait vain de comparer les deux œuvres, celle de Milos Forman restant inégalable. Le premier mérite d'Il Boemo est de faire découvrir au plus grand nombre la vie et surtout les opéras composés par Josef Mysliveček, dans la deuxième partie du XVIIIe siècle et acclamés à l'époque dans toute l'Italie, avant un oubli qui a perduré jusqu'à aujourd'hui (encore récemment, seuls trois des opéras de ce compositeur prolifique avaient été enregistrés). Film le plus ambitieux de la carrière de son réalisateur, le long-métrage chemine au gré des commandes de Mysliveček, aux 4 coins de l'Italie, exclusivement, ce qui nous vaut de splendides interprétations et des décors munificents sur scène. Disposant de moyens importants, le film s'impose aussi par sa peinture des mœurs de l'époque (vénitiennes et napolitaines, notamment), et dresse en outre le portrait d'un séducteur patenté et celui de femmes étonnantes : fortes, impétueuses, caractérielles, soumises, romantiques ou charnelles. S'il reste dans le registre d'un cinéma très classique, à la narration claire et passionnante (voir la rencontre avec le jeune Mozart, admirateur du maestro), il n'y a nul académisme dans ce film réalisé avec un goût très sûr et fait pour plaire aussi bien aux férus de musique qu'aux amateurs de biopics enlevés, malgré sa durée de 140 minutes, qui ne semble pas excessive, eu égard à la (courte) vie bien remplie de cet enfant de Bohème.